Molly Gene, « de grosses marchandises pour des petits bagages »

Molly Gene pour son son retour sur la scène du Blues Rules Crissier Festival en 2016. © Yves Di Cristino

Molly Gene One Whoaman Band, voilà un nom qui a déchaîné les foules samedi soir aux abords du Château de Crissier. Seule en scène, la blueswoman, originaire de Warrensburg dans le Missouri au centre des États-Unis, a littéralement secoué son assistance, mêlant adeptes d’un métal ensauvagé que tenants de l’école plus traditionnelle du blues. Rencontre.

Ses cheveux courts dansent sur ses épaules, sa silhouette menue se déplace lentement dans les jardins du Château de Crissier. C’est avec une petite appréhension que Molly Gene voit le groupe roumain Blue Monday Ministers conclure son set sur des airs apaisés d’harmonica de Cătălin Tzetze Rădulescu. La deuxième soirée au Blues Rules s’annonce paisible mais non moins pleine de surprise. L’après-midi commençait avec l’apparition sur scène des atypiques Floyd Beaumont & The Arkadelphians, venus illustrer leur mémorable blues teinté d’histoire et dissimulant nombre de ses messages les plus codés, nous replongeant ainsi dans les années d’entre-deux guerres mondiales. Enno Geissler, chanteur du groupe genevois depuis 2009, a ouvert les feux de cette nouvelle soirée de blues: Next station Arkadelphia ! La chemin est tout tracé, direction l’Arkansas, terre de légende dans la personnalité et la carrière du traditionnel Floyd Beaumont. Envolée ensuite à Bucarest, la scène crissiroise s’est ensuite vu poursuivre son voyage au travers du blues avec Cătălin et Mihai avant de retrouver les terres et les coutumes hiératiques d’un blues liturgique profondément ancré en Amérique. Pourtant, tenante d’un blues fougueux, loin des apparences de son svelte physique – « de grosses marchandises pour des petits bagages« , avouera-t-elle avec sincérité au sujet de son gabarit à priori peu apprêté pour sa musique – Molly Gene, en one whoaman band, a rendu au Festival toute sa solennité dans une frénésie peu commune. Voilà ainsi qu’elle s’installe sur les planches, se saisit de sa guitare, prend le temps de saluer son public, conquis et admiratif, et entonne les premières notes endiablée de son répertoire rock. Voilà qui secoue l’assistance et qui semble concilier aussi bien les fans de métal que du blues. Sa carrière a d’ailleurs parcouru l’étendue de ses deux domaines musicaux: « Je jouais auparavant dans des clubs de rock’n’roll avec des groupes de métal et j’ai progressivement mué sur des scènes de blues, sans en connaître les réelles raison de ce court transfert« , nous explique-t-elle au sortir de scène.

Richesse musicale et hospitalité

Molly Gene avait fait une première apparition au Blues Rules en 2012. Elle avait alors été coudoyée par les organisateurs du festival très désireux de lui faire découvrir l’excentricité des scènes européennes: « Le Blues Rules m’a fait venir pour la toute première fois en Europe – affirme-t-elle dans la continuité des propos de Vincent Delsupexhe avant de poursuivre – Depuis alors, il n’y a pas une année où je ne voyage pas en Europe pour m’y produire sur les scènes de nombreux pays. On peut alors dire que le Blues Rules et ses programmateurs m’ont ouvert une belle porte sur le territoire. Je suis d’ailleurs très flattée qu’ils aient repensé à moi pour cette édition« . Présente également à Strasbourg quelques jours avant le lancement du festival à Crissier, Molly apparaît épanouie dans sa nouvelle condition d’artiste universelle et internationale à tel point que l’Europe semble lui procurer une majeure commodité dans ses déplacements tout en arguant que son travail trouve meilleur écho sur sol européen: « Ce que je produis est sensiblement plus apprécié ici (ndlr, en Europe) car le blues américain soulève les foules et les esprits outre-Atlantique, pour exemple, le public semble vraiment exalté ici (ndlr, à Crissier) – se réjouit-elle tout en résumant – Tout est plus simple en Suisse et ailleurs sur le continent« . Voilà qui est limpide; Molly Gene trouve en Crissier et en son festival local, le Blues Rules, une seconde demeure – « I love this festival« . Une demeure dans laquelle son blues « métallisé » trouve un résonance toute particulière et où son one whoman band transcende les spectateurs du coin allant des plus curieux aux fans conquis. Crissier est alors une zone refuge pour ces lourds talents des États-Unis, aussi bien pour les affiches diversifiées qui y sont proposées – « Nous y rencontrons des musiciens de tout le monde » annonce-t-elle faisant sans doute référence aux Blue Monday Ministers (Roumanie) mais aussi à Bror Gunnar Jansson (Suède), présent lors de la dernière édition et aux nombreuses étoiles en provenance de France (Jynx, The Chainsaw Blues Cowboys et Johnny Montreuil) et des viviers locaux (Reverend Beat-Man, Floyd Beaumont et John Dear) – que pour la gestion si « légère et professionnelle » du festival qui lui « offre une très agréable et belle hospitalité« . « I feel like a princess here », conclut-elle toute souriante à la fin de son passage sur les planches du festival.

Reverend James Leg, de la prière à l’envoûtement

Piano contre batterie, les deux instruments sont disposés l’un en face de l’autre sur la scène du Blues Rules. Cela marque une très belle dualité entre deux organes musicaux aussi éloignés que proches l’un de l’autre. Colporteurs les deux d’émotions, le premier rend sagesse et doigté quand le second déverse rage et fermeté. Aussi proches que les deux puissent être, leur présence sur scène dans la disposition telle que voulue par James Leg retrace en ce sens tout l’antagonisme révélateur entre les différents courants du blues prôné par cette septième édition du festival marquée sous la bannière « Preachin’ the blues ». Une égide merveilleuse qui regroupe les différence sous un abri commun, celui du blues. Voilà alors comment James Leg est passé de la prière à l’envoûtement. Sans doute, ici, l’expression d’une thérapie commune au bénéfice d’un besoin commun, le recueillement. Populaire et synergique.