Evade, un jeu d’évasion grandeur nature a vu le jour dans le quartier de Montchoisi entre Pully et Lausanne. Le concept n’est rien d’autre qu’un rendez-vous avec l’aventure dans lequel deux à cinq participants sont invités à résoudre des énigmes de tout genre. Rencontre avec les instigateurs du projet qui ont souhaité garder leur anonymat.
On ressent l’influence des jeux de société. Evade en est en tous points imprégné. Né sous l’ambition de deux jeunes Suisses à Lausanne, le jeu basé sur un concept d' »Escape Game », répandu hors des frontières helvètes, principalement en Europe, se fonde sur l’offre d’un divertissement nouveau. À deux ou cinq joueurs, l’activité propose de résoudre une série d’énigmes afin de s’évader de la « room » (salle de jeu) en 60 minutes. Une occasion pour les participants de réveiller leur âme aventurière et héroïque en marge de leur quotidien. Ouvert sept jours sur sept depuis le début du mois d’avril, une seule chose est sûre: le mystère règne !
Un concept importé d’ailleurs
Les jeux d’évasion (Escape Game) sont surtout implémentés en Europe selon nos deux jeunes Suisses. Mais il est intéressant de parcourir les différents modèles en vigueur dans le monde. Si le principe reste relativement le même, nombre de règles peuvent diverger en pratique en fonction du pays ou du continent. Voilà un terreau excentrique dans lequel pourraient émerger nombre de recherches sociologiques car, malgré les reflux de la globalisation, les tendances culturelles territorialisées sont encore bien implantées en Asie et en Amérique, passant par l’Europe de l’Est. Le modèle unique mondialisé n’existe donc pas malgré les tentatives de standardisation qui affluent sur le tissu économique mondial comme nous l’explique N.: « Selon les continents et les pays, les rooms peuvent être très différentes. Par exemple, le nombre de personnes impliquées dans chaque salle varie considérablement entre l’Asie, où la compétition à l’intérieur même des salles est de rigueur (variant de 5 à 10 joueurs), et le monde occidental, où les participation par salle sont plus limitées, permettant une participation plus individualisée« . Les thèmes varient également: à Moscou et à Saint-Pétersbourg par exemple, l’intrusion d’acteurs et la peur (entendue comme frisson) sont des thématiques récurrentes encore peu apprêtées pour la Suisse, nous confirme N.: « Si notre concept évolue avec le temps, nous aurons de quoi tester ces nouveaux aspects« . Ainsi, importé principalement de Russie, où les deux jeunes sont allés en vacances, le concept bénéficie déjà de nombreuses spécificités – peu populaires dans nos confins occidentaux – qu’ils souhaitent faire découvrir en Suisse: « Après avoir vu un épisode sur les jeux d’évasion de « The Big Bang Theory » (ndlr, une sitcom américaine), on s’est dit qu’il fallait qu’on se lance et faire découvrir le concept. Notre but est réellement de raconter des histoires avec ce côté un peu geek qui parle à tout le monde« .
La matérialisation du projet
Comme tout projet managérial et marketing, la conceptualisation de l’idée rencontre souvent ses premières difficultés lors du passage à la matérialisation de la start-up. La question était particulièrement sensible du côté d’Evade dont l’objectif résidait avant tout à promouvoir le non-commun. Ainsi, le choix du thème des deux jeunes créateurs s’est porté sur les casinos clandestins mexicains, un univers bien peu commun dans nos régions qu’il a fallu implémenter de la manière la plus efficiente possible: « Une fois l’idée venue, il a fallu écrire les énigmes, écrire l’histoire et contacter des entreprises pour travailler sur les mécanismes. Aujourd’hui, on est à un âge de la technologie où l’on peut réaliser tout ce dont on imagine réaliser – nous confie N. avant de continuer – Seulement, certaines énigmes étaient trop difficiles à concrétiser (ou trop chères), ce qui nous a poussés à revoir certaines épreuves à la baisse« . Une large palette existe néanmoins à Lausanne et ailleurs pour les plus curieux, parmi celle-ci, des épreuves aussi bien virtuelles que réelles sont proposées dans ce genre de structures au niveau européen: « Notre thématique se rapproche des casinos clandestins mexicains. Nous sommes donc plus portés sur du concret – nous confirme N. – Toutefois, dans certains pays, certaines « rooms » sont équipées de l’oculus rift, un casque de réalité augmentée. Ces pièces-ci sont vides mais le casque nous fait évoluer dans un univers mi-fictif, mi-réel, ce qui donne réellement l’impression de vivre dans une aventure que l’on ne vivrait pas tous les jours« . Il en ressort pas moins qu’en cas de large réussite du prototype en place, il n’est pas exclu que le concept évolue davantage dans ce sens à Lausanne: « On garde une certaine marge de manœuvre et ce que je peux vous dire c’est que l’on a déjà de nombreuses idées sur le papier pour aller plus loin et élargir l’idée de base« .
Un aspect sociologique
La participation à Evade est ouverte pour tous les âges – de 7 à 77 ans comme il est coutume de dire. Et autant dire qu’il est d’autant plus intéressant – dans la perspective d’une étude sociologique – de s’y rendre en groupe. Au-delà du jeu d’action pur et dur, l’exercice est intéressant en ce qu’il favorise l’interaction sociale des différents joueurs et met en exergue les divergences d’aptitudes et de comportement à l’égard des épreuves. Observés au travers de caméras de surveillance vidéo, les deux collaborateurs de la start-up avouent observer des phénomènes sociaux très intéressants: « Il y a autant de problèmes et risques qu’il y a d’humains sur terre. Les gens vont réagir différemment en fonction de leur excitation, des personnes qu’elles vont fréquenter, de leur état d’esprit ou de leurs émotions. Les délires sont légion dans les rooms« , nous disent-ils. Rien de plus passionnant ! Les tendances culturelles quelles qu’elles soient, appelées « socialisation » en sciences sociales, sont susceptibles de réapparaître dans des situations insolites ou inédites au moment de résoudre des énigmes. En effet, comme le témoigne N., selon les âges, les cultures et les systèmes de croyance et de représentations, les mobilisations à l’intérieur de la « room » peuvent changer radicalement: « Ce qui est intéressant, c’est que toutes personnes, d’âges différents, peuvent être intriguées par nos énigmes mais pas pour les mêmes raisons. Certains tentent de la résoudre avec concentration alors que d’autres sont plus interpellées par le décor avec lequel ils interagissent« . Cela n’empêche pas moins le divertissement. Evade permet justement la possibilité d’incarner des rôles de héros ou des personnages fictifs auxquels les participants peuvent parfois, souvent s’identifier; un réel appel à l’aventure, à l’histoire et à l’imaginaire donc. D’autres études, non seulement sociologiques, pourraient toutefois être réalisées sur la base du concept, notamment sur l’esprit d’équipe, le « team working » ou encore les relations intergénérationnelles dans le cadre d’une participation en famille: « Il est toujours très intéressant de venir avec des personnes de différents styles et de différents âges car par rapport aux expériences vécues par les individus, les systèmes de pensée vont être différents, ce qui est tout à fait normal. Parfois les enfants parviennent à résoudre les énigmes plus facilement car ils réfléchissent moins que les parents« , nous confirme N.. Ainsi, toutes ces choses mises ensemble rendent les carrières à l’intérieur de la salle imprévisibles. Un imprévisible attrayant et mystérieux.