Kamini, ancien interprète de son audacieuse création « Marly-Gomont », sait se renouveler. Il l’a démontré ce week-end au Lido Comedy & Club où il est venu présenter son one man show, « Il faut que je vous explique ». Convaincu par le besoin indéfectible de sincérité et d’authenticité, l’artiste polyvalent a consacré la même simplicité dans son spectacle que dans ses réponses au micro de leMultimedia.info. Rencontre.
Ton spectacle est en fin de rodage; tu es d’ailleurs venu tester quelques passages neufs de ton spectacle ici à Lausanne. En somme, comment as-tu senti ton public ce soir [ndlr, vendredi 5 février 2016] ?
Tout s’est vraiment très bien passé. Comme d’habitude, en Suisse, j’ai eu un très bel accueil. Les gens sont chaleureux, aussi bien dans la vie, au quotidien que quand ils viennent me voir en spectacle. Rien de bien étonnant; je remercie le public de Lausanne. D’ailleurs, la première fois que je suis venu à Lausanne, à l’époque, c’était en tant que chanteur. J’avais fait un concert aux Docks en compagnie de beaucoup d’étudiants. C’était bien sympa. Ce soir, je reviens sur scène avec un one man show et ça me fait chaud au cœur. Du rire, une bonne ambiance. En somme, beaucoup de plaisir ce soir.
Tu dégages une très belle énergie dans ton spectacle. Parfois, on ressent un manque de rythme mais à chaque fois, tu réussis à ramener le public dans ton univers. Ton énergie sur scène te sauve parfois…
Je ne pense pas qu’il me sauve. Je pense que l’ensemble du spectacle fonctionne. Cependant, la particularité de l’exercice réside justement dans le risque que certaines blagues tombent un peu à plat; c’est pour cela que quand on teste des passages, on les insère entre deux scènes fortes qui sont sûres de relever un peu la baisse de régime. C’est pour cela que je me permets parfois de prendre des risques sur certaines vannes. De plus, je pense que le public est lucide, surtout dans notre ère ou les médias et internet s’imposent et je pense qu’il faille être sincère avec les personnes que l’on a devant soi. Je ne vais personnellement pas mentir sur scène; je ne vais pas faire croire au public que j’ai déjà passé dix ans sur scène à faire du stand-up parce le stand-up est un vrai métier d’acharnés dans lequel il faut réellement travailler son personnage sur scène (répéter, se remettre parfois aussi en questions…). Je ne maîtrise pas encore tous les fondements de l’exercice mais je ne le cache pas au public. On ne devient pas Gad [Elmaleh], on ne devient pas, Franck Dubosc, on ne devient pas Florence Foresti en un claquement de doigt. Ce sont des artistes qui ont travaillé pendant des années pour arriver à leur niveau et le public, de manière générale, commence à se rendre compte de l’étendue du domaine et de la profession. Du coup, quand il rencontre un artiste comme moi – en fin de rodage – il le perçoit très bien. Il le comprend. Donc, quand je teste un passage, le public n’est pas surpris et l’accepte parfaitement.
‘Bientôt, « Marly-Gomont », le film’
En parlant de risque, il faut quand même noter que toute ta vie publique et professionnelle sur scène et dans les médiums est faite de risque; tu as inventé le « buzz » en France avec ton clip « Marly-Gomont », tu t’adonnes aujourd’hui à l’humour,… Tu es un peu touche-à-tout, tu testes un peu tous les univers de manière risquée mais avec beaucoup d’humilité, ce qui te donnes ton charme sur scène.
On n’a qu’une vie. Je ne sais pas si c’est réellement vrai mais l’expression dit qu’on n’a qu’une vie et donc il faut faire ce que l’on aime. Me concernant, en tant qu’artiste, je me suis réveillé un beau matin et je me suis persuadé d’écrire mon propre spectacle. Je l’ai écrit, je l’ai testé, il a fonctionné et donc j’ai approfondi. Si demain je me rends compte que je sais peindre, dans ce cas, je ferai de la peinture. Ce ne sont que des pulsions artistiques et je tiens à les aboutir. Il faut aussi dire – et les gens ne le savent pas forcément – que je suis aussi scénariste pour le cinéma. J’ai écrit mon premier film, « Marly-Gomont » que j’ai rendu à Cannes en 2012 et il sortira dans le courant du deuxième semestre de 2016 d’après les distributeurs. Donc, c’est encore une autre corde que j’exploite. J’ai même commencé le chant lyrique au conservatoire à Lille en septembre. Donc, je pense qu’il ne faut pas se donner de limites artistiques. Il faut tenter, risquer, surtout au XXIe siècle où la chance peut tourner très vite. Tout ce que l’on tente, on le fait parce que cela fait partie de notre essence. Il faut être créatif, sinon on le regrettera tôt ou tard. De mon côté, je m’amuse, j’ai beaucoup de dates et je suis très heureux. Je ne fais presque jamais la une des gros médias mais ça m’arrive parce que j’ai fait le buzz Marly-Gomont – ce qui constitue en quelque sorte ma carte de presse. Je suis – disons – fiable parce que j’ai fait Marly-Gomont. Si j’avais été totalement anonyme, j’aurais peut-être dû attendre trois ans de plus avant de proposer mon premier scénario. En bref, il faut aller vers l’aventure et ne pas avoir peur d’échouer.
« On ne peut pas lutter contre la sincérité », Kamini
Comme tu le dis, il faut promouvoir la créativité. Dans cette optique-ci, on peut dire que ton spectacle reflète en tous points ta vie; on jonche d’un univers à l’autre (passant d’une séquence sur les animaux, sur les homosexuels, sur les noms africains, etc), on passe sur tous les sujets sans tabou… Il n’y a pas de construction bien précise mais c’est presque pas grave. Il n’y a pas de fil conducteur mais tout fonctionne sans problème…
Je dirais que le manque de fil conducteur n’est qu’une illusion. Il y en a un et il est très précis (et simple): Dieu. Mais je suis content d’entendre que celui-ci est quelque peu en filigrane dans mon spectacle car, sans entrer dans des débats religieux, tout mon one man show traite de la création de l’univers. Albert Einstein disait « Je fais les sciences et j’utilise mon génie parce que je veux comprendre ce que Dieu veut« . Et de mon côté, j’explique, sur scène, mon interprétation de la création de la vie par Dieu (ce qu’il a mis en place, comment il a régenté la naissance des choses,…). C’est donc pour cela que l’on passe, dans ma logique, des insectes aux animaux et des animaux aux êtres humains. La construction est, certes, subtile mais bien réelle. Au premier coup d’œil, elle n’est pas évidente mais elle a toute son utilité dans le fond.
Que penses-tu du Lido, cette petite salle propice aux tests ? Comment as-tu occupé son espace ce soir ?
C’est la deuxième fois que je viens au Lido; j’avais été animateur pour le Banane Impro Lab il y a quelques mois. C’est une très belle salle avec une très bonne acoustique, très agréable. L’ambiance et la décoration – avec les canapés – lui donnent un petit côté américain [ndlr, comme le racontait déjà Mustapha El Atrassi lors de son passage en juin 2015, lire l’interview], ce qui met très à l’aise l’artiste sur scène. On sent qu’on est proche des gens et cela nous rapporte à la question de la sincérité. Les personnes sont tellement proche de nous qu’on ne peut pas leur dissimuler notre ressenti. Il y avait une très belle énergie due au simple fait que l’on ne triche pas avec le public. Il le ressent. La sincérité est la plus belle arme de l’artiste. On ne peut pas lutter contre elle. Les gens, au Lido, ne sont pas dans l’obscurité; l’artiste les voit bien contrairement à ce que l’on peut observer au Zénith de Paris par exemple – où les 5’000 personnes sont sensiblement éloignées de l’artiste. Je n’y aurais d’ailleurs pas pu me prêter au jeu des photos avec les spectateurs comme je l’ai fait ce soir. Telle est l’ambiance du Lido et je le conseille aux Lausannois et à tous les Suisses. Ça vaut vraiment le coup et j’espère revenir la saison prochaine.