Partout les formations du centre semblent gagner en popularité, même en Suisse où les élections fédérales faisaient transparaître une déroute centriste au profit de la droite. Et pourtant, le Centre peut être l’alternative souhaitée à des décennies d’immobilisme politique, de prises de bec structurantes sans pour autant qu’une vision claire et précise de la réalité puisse apparaître sous les déclarations de la gauche comme de la droite. De nos jours, engoncés dans une décadente société où parfois le progressisme et les solidarités prévalent sur la raison et transforment les mœurs les plus ancrées, la solution semble apparaître aux extrêmes de l’échiquier politique (comme en témoignent l’aventure Syriza en Grèce ou encore la montée fracassante du Front National en France). Mais qu’en est-il de l’extrême centre ?
Le 13 novembre de la noire année 2015, l’Hexagone a chaviré à nouveau. Moins de trois mois plus tard, François Hollande demande le prolongement de l’état d’urgence alors que la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité est en route et divise l’exécutif français (jusqu’à la démission de Christiane Taubira). Mais comment l’opinion socialiste a-t-elle subitement arrêté de croire en une Europe sans danger et commencé à puiser dans l’escarcelle d’idées politiques du FN ? À défaut de croire en une « désocialisation » du Premier Ministre Manuel Valls ou en une droitisation de l’ensemble du gouvernement tricolore, cet exemple non isolé prouve au moins qu’en période de crise les extrêmes endossent un rôle de secouriste. Le recours ici n’est autre que celui de la sécurité. Ce même virage sécuritaire autrefois écarté par les gouvernements aussi bien socialistes que par une partie conséquente de la droite.
‘Un expédient sécuritaire qui marque l’obsolescence du clivage gauche-droite’
Un phénomène qui ne saurait tarder également en Suisse où la part du PIB consacrée à la sécurité reste très marginale. Aujourd’hui, face à l’imminence du danger qui pourrait également concerner les frontières helvètes, la sécurité fait son retour dans les mentalités suisses, apparaissant de manière tout aussi prégnante dans les programmes de l’UDC mais aussi dans certains partis centristes comme le PDC qui en fait un thème prioritaire dans ses campagnes. Cet expédient sécuritaire ne marque-t-il pas le début de l’obsolescence du clivage gauche-droite ? Ne pointe-t-il pas toute la vacuité qui y réside ? N’incombe-t-il désormais pas à cet extrême centre, ce mammouth hétéroclite de faire valoir ses idéaux pour un futur plus ou moins proche ? N’est-il point besoin d’aérer cette cellule sélective qui n’acceptait aucun « extrême » ? C’est pourquoi, dans un sursaut de prétention, j’oserai affirmer que le centre – tout autant que ses concurrents de bout d’échelle – formerait un extrémisme hétérodoxe (peut-être le meilleur ?) susceptible de marquer la différence en période de crise (qu’elle soit migratoire, terroriste, sociétale ou bien même financière).
‘Une réponse ambigüe à l’initiative de mise en œuvre de l’UDC’
Faut-il ainsi, le 28 février prochain, dépénaliser le mariage pour plus d’égalité, favoriser un deuxième tube au Gothard pour plus de sécurité (tiens encore cette douce parole) mais surtout arrêter de confondre les assassins, les violeurs et les voleurs de bières sous l’unique étiquette de « criminel » comme le confirmait Simonetta Sommaruga. La solution à l’initiative de l’UDC dite de mise en œuvre ? Elle est ambigüe. Très certainement la pitié n’est que fantôme pour les immoraux, elle se transforme même en haine pour les criminels de profession (meurtriers sans scrupule, abuseurs sexuels, etc). Mais le critère de démarcation du parti blochérien est faible; le simple statut de récidiviste ou de voleur « en bande (organisée) » est maladroit. Cela se réfèrera à jamais à l’intelligence et la clairvoyance des simples juges, qui décideront dans une opacité certaine si deux jeunes voleurs de bière détenteurs d’un permis C sont réellement concernés par le critère de « bande » sujet à expulsion. Si l’on est à la recherche de critères objectifs afin de démarquer la jeune délinquance de la dure criminalité, semble-t-il que le critère quantitatif d’années de peines de réclusion serait plus adapté. Soit !
‘Favoriser un « extrême » fédérateur’
L’hétérodoxie centraliste semble pourtant instable. Au centre, s’érige un monde politique miniature dans lequel droite comme gauche s’y affrontent tout aussi véhémentement. Partisan de l’extrême et du rassemblement, mon manifeste peut paraître confus tout en tentant à tort de marquer un déterminisme malsain. Toutefois, s’il doit régir un extrême pour stabiliser la politique et rassurer les plus sceptiques, autant que cet extrême soit le plus fédérateur possible. Lourde affaire, mission impossible. Pourtant, c’est l’objectif que s’étaient fixé les premiers partisans du Centre. Reste à savoir si cette promesse se maintiendra face à l’adversité.
‘Lutter contre la décadence généralisée qui s’abat sur notre société’
Mes convictions sont pourtant claires. Devons-nous limiter la bureaucratie étatique, comme européenne. Devons-nous protéger, pour la Suisse, une neutralité qui la préserve des pires hantises. Devons-nous maintenir une Europe périphérique et un État-Nation protégé. Devons-nous privilégier la formation sous toutes ses formes. Devons-nous aider les PME et les classes moyennes à prospérer. Devons-nous stopper l’anesthésie des rentes qu’elles soient sous forme d’un salaire minimum ou d’un revenu inconditionnel de base. Telles sont les conditions nécessaires pour lutter contre la décadence généralisée qui s’abat sur nos têtes et sur celles de nos progénitures. Cette même décadence qui débute par la « mort du père », du chef de la famille, du breadwinner model, de la famille paternaliste et qui s’achève par l’avènement du djihadisme. Il est impératif de retrouver nos valeurs, nos traditions et réhabiliter nos cultures au détriment de celles qui menacent de les renverser. Mais il est également nécessaire de protéger notre environnement, lutter intelligemment contre la pauvreté et favoriser une politique économique adaptée selon les cycles. Il est tout aussi nécessaire de relever (ou maintenir conséquent) l’emploi sans pour autant (re)miser sur le court-termisme keynésien, abandonné depuis les années 1970. Une alternative au statu quo est possible, une modernisation est bienvenue à condition de protéger ses traditions. Droite et gauche sont caduques. La solution ne réside ainsi que dans l’extrême. Un extrême centre qui rénove le courant droitisant de la politique en y limitant son idéologie toute aussi utopique que celle de son opposition. Plus simplement, devons-nous innover dans la tradition. Tel est le compromis réformateur: l’innovation dans la tradition.