Le tordant duo Cyril Garnier et Guillaume Sentou sont venus présenter ce vendredi 4 décembre leur two men show dans le cadre du Montreux Comedy Festival. Coudoyés avant leur représentation au Théâtre de Vevey, leMultimedia.info a retracé le parcours du célèbre duo de la télévision française ainsi que la construction de leur nouveau spectacle « Garnier contre Sentou ». Retour en détail sur ce show délirant, « à la frontière du music-hall et du théâtre » selon Cyril Garnier.
« Que le public soit à la hauteur des nombreux souvenirs que l’on a en Suisse – confiait Guillaume Sentou à leMultimedia.info quelques heures avant le spectacle à Vevey – Les Suisses font partie des publics les plus festifs de la francophonie ». Dans ce sens, le public du Théâtre de Vevey aura répondu présent aux attentes des deux comiques français. De son côté, à Cyril Garnier, il tenait à cœur de régaler, offrir un doux (ou explosif) cadeau à l’assistance qui est venue les applaudir : « Nous n’avons pas d’attentes ce soir, nous avons plutôt des exigences vis-à-vis de nous – commence-t-il avant de continuer – On a envie de leur faire plaisir et qu’ils s’éclatent en voyant notre spectacle. On ne veut pas les décevoir. Le public attend de nous plus que nous attendons d’eux ». Connaisseurs ou non, amateurs ou non, les spectateurs auront daigné déceler dans l’atmosphère du Théâtre un sentiment d’énorme satisfaction et d’enjouement à l’égard des artistes. Applaudissements et encouragements mérités, Garnier et Sentou ont su, depuis le début de leur carrière artistique, offrir sincérité et chaleur dans chacune de leurs représentations. Pensionnaires lors des deux premières saisons d’ « On n’demande qu’à en rire » sur la chaîne publique de télévision France 2, les deux artistes ont su adapter leur humour pour des contextes sensiblement différents (théâtres et télévision) jusqu’à en réussir une fluide transition entre le petit écran et les planches : « [Ondar] (ndlr, ladite émission sur France 2) a été un vrai atelier – explique Cyril Garnier avant de poursuivre – Il y avait cet exercice d’écrire un sketch par semaine et cette urgence nous obligeait à sortir le meilleur qui était en nous très rapidement. Cela nous a vraiment fait progresser ». Les deux grands amis – depuis 28 années dont 15 d’humour – ont désormais peaufiné leur image sur scène et leur talent au grand profit d’une passion commune : le rire ensemble. « On avait 7 ans quand on s’est connus et l’humour faisait déjà partie de notre culture d’enfant puis d’adolescent. On faisait les cons entre nous et ça faisait déjà rire les gens autour de nous », expliquait Guillaume Sentou.
« Garnier contre Sentou »
Être un duo sur scène facilite le dialogue, réinvente le stand-up et favorise la plus-value théâtrale. Toujours est-il que la mise en scène, le scénario ou encore les effets spéciaux du décor ne sont pas assurés d’un défaut de minutie. Et pourtant, aucune imperfection scénique n’a été relevée de la copie de Garnier et Sentou à Vevey. Élégance, précision, fluidité des mouvements; la représentation du duo français s’est réalisée sans bavure. Mais comment sont-il arrivés à ce degré de coordination sur les planches – cet instinct quasi fraternel décelable dans les plus petits gestes des deux protagonistes ? « La coordination n’est vraiment plus une chose à laquelle on réfléchit aujourd’hui. Cela se fait naturellement – débute Guillaume Sentou avant de continuer – La mise en scène de Patrice Soufflard (ndlr, leur co-auteur et metteur en scène), avec les éléments de décors qui rendent la scène magique, font que l’on doit souvent se positionner à des endroits bien précis de la scène mais notre coordination n’est pas plus travaillée que cela. Chaque plateau a son centre de gravité de jeu; c’est-à-dire que n’importe quelle scène a un centre d’attention, face au public et on se débrouille pour s’organiser avec Cyril [Garnier]. Mais tout cela est tellement rapide pour que ce soit explicable. Tout se fait très naturellement« . Un naturel qui s’est notamment exprimé lors de scènes très chorégraphiques comme le combat d’escrime de début de spectacle ou le tango de fin. « Nous avons rôdé notre spectacle dans les petites salles après l’avoir créé à Bruxelles – débute Cyril Garnier – La première fois que nous l’avons joué, nous n’avions même pas répété la mise en espace du spectacle et n’avions même pas relu le texte d’un bout à l’autre. Et pourtant, ça s’était extrêmement bien passé. On est montés sur scène et très naturellement – parce qu’on se connaît depuis plus de 20 ans – les choses se sont faites toutes seules. On a développé un instinct en 15 ans de scène et comme on joue beaucoup, ce n’est pas quelque chose que l’on retravaille beaucoup« , conclut-il.

Une mise en scène électrique
Il n’est pas aisé d’identifier la nature du spectacle de Garnier et Sentou; tantôt dans le stand-up, tantôt dans une relation très théâtrale, les deux Parisiens admettent la pluridisciplinarité de leur travail sur scène, même si pour Guillaume Sentou, leur spectacle ressemble plus à une comédie: « Il y a des instants où nous sommes en ouverture avec le public dans un stand-up classique et d’autres où nous sommes plus dans des sketches fermés dans une dimension plus théâtrale. D’autres sketches sont plus satiriques. On a l’habitude de prendre tout et de tout fourrer dans notre spectacle« , avance-t-il. « Notre [show] est vraiment à l’intersection entre un spectacle de music-hall, stand-up et pièce de théâtre. Il raconte une histoire et on ne peut pas intervertir les sketches entre eux. Il y a une progression qui se fait avec de la musique et de la danse. Il y a des trouvailles très visuelles d’autres plus portées sur le texte. On est un peu touche-à-tout – ajoute Cyril Garnier avant de poursuivre – On aime bien avoir plusieurs cordes à nos arcs et plusieurs arcs dans notre sac et plusieurs sacs dans notre camion (rires)« . Énergiques comme dans leurs sketches à la télévision, Garnier et Sentou ont été superbes de vivacité: « Cela nous ressemble parce qu’on a une culture qui est très physique de par le fait que l’on a fait du cirque – débute Garnier – Comme le précédent [spectacle], celui-ci est très visuel et ressemble à ce qu’on est: des garçons qui ont envie de tout essayer, de tout faire et qui se passionnent pour les arts de la scène de manière assez large« . Ainsi, il semble être fort complexe de cataloguer le travail du duo: « C’est à la fois le défaut de notre qualité – débute Sentou – On ne réfléchit pas à ce qu’il faudrait faire et quand on a une idée de spectacle, on met le paquet. On met tout« .

Écrire et co-écrire
Quid de l’écriture ? La conception d’un tel spectacle demande beaucoup d’imagination, d’une forte dose de créativité mais aussi d’un incroyable recul sur la réalité. Garnier et Sentou semblent avoir appris à co-écrire en compagnie de Patrice Soufflard. De la conception à la distribution, l’entier du travail se fait désormais collectivement, une habitude qui dure depuis leurs passages en télévision: « Depuis l’émission « On n’demande qu’à en rire », comme on avait que quelques jours pour écrire les sketches, on se rassemblait et on partait de zéro tous ensemble pour les écrire – affirme Guillaume Sentou avant de poursuivre – Avant, il arrivait à l’un et à l’autre d’arriver avec une ébauche de sketches et de le présenter à l’autre. Donc sur ce spectacle, on a pris les réflexes de la télévision. On est parti de rien et on a écrit ensemble. Le sujet est venu assez rapidement. Dans un premier temps, on travaille sur la structure avec les styles de personnages à intégrer dans le texte et définir l’histoire. L’ossature est définie ensemble. Le sketch est déjà nommé, la trame classée. Seulement après, on va dans le contenu. Faire parler les personnages, improviser. Tout s’est passé de manière très évidente sur ce spectacle« . Cyril Sentou ajoutera aux dires de son coéquipier de scène: « On travaille beaucoup à trois avec Patrice Soufflard. Il est de plus en plus rare que l’on écrive chacun de notre côté parce que, quand on est à trois, l’émulation est beaucoup plus rapide et quand on a une idée, il faut tout de suite la partager pour que les autres la valident. C’est devenu compliqué de travailler isolé« .
Rire du réel, moquer l’absurde
« Le spectacle est particulièrement tiré du réel car il raconte notre histoire d’amitié », avoue Garnier. Une histoire bien personnelle car « Il y a beaucoup de choses très personnelles avec beaucoup d’anecdotes très vraies. Dans la situation du « pôle-combat », on est vraiment dans une situation qui est tirée de la réalité avec la dimension de la lutte contre l’administration française, lente et pesante. Mais on a toujours cette envie de partir du réel et de prendre la voie du surréaliste pour extrapoler le réel et donner des dimensions très absurdes: comme deux personnes qui sautent en parachute mais qui oublient leur parachute. Il y a des conversations complètement absurdes dans ces situations« . Parler donc du réel avec « un petit côté cartoonesque« , conclura Guillaume Sentou.