A quelques jours du début de la 21ème conférence des parties sur le climat, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain, l’Université de Lausanne héberge toute une série d’événements et de conférences sur le thème de la COP21. Le lundi 21 novembre, c’est une introduction à ce dernier et le positionnement de la Suisse qui est au menu. Une conférence organisée par le think tank Foraus et l’association Mosaïque.
Laurence Mortier est depuis quelques années spécialiste de la politique climatique à l’office fédéral de l’environnement et membre de la délégation suisse à la COP21. Elle a l’autorité de parler des enjeux qui seront discutés pendant la COP21 ces prochains jours ainsi que la position de la Suisse présente à la table du monde face aux défis climatiques globaux. La coordination internationale sur ces derniers débuta en 1992 au Sommet de la Terra à Rio, aboutissant sur la « Convention de Rio » et, par cette dernière, l’adoption de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUUC). 195 pays s’engageant pour la stabilisation du taux de gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. Dans la volonté de poursuivre et maintenir un effort international continu sur les enjeux climatiques, les Conférences des Parties (COP) – qui se tiennent annuellement depuis 1995 – culminèrent notamment en 1997 avec l’adoption du protocole de Kyoto, visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 5%, entre 2008 et 2012, par rapport au niveau de l’année 1990. Un protocole s’étant révélé contraignant pour les seuls pays industrialisés et n’étant par conséquent pas appliqué à tous les États du globe. Enfin, un protocole qui n’a pas été ratifié par les États-Unis, grand pollueur mondial. Face à ces limitations, un système de contrôle a été mis en place et les obligations soulevées par le protocole élargie à d’autres États.
Vers un engagement de tous les États
Aujourd’hui, la situation économique et la situation en termes d’émissions de gaz à effet de serre ont changé. Ce qui apparaît évident est que les pays en développement émettent davantage (soit 61% du total) alors que les pays développés ou en transition sont responsables d’une moindre part (soit 39% du total). La position de la Suisse sur ce constat veut donc insister sur l’abandon de la distinction entre pays industrialisés et en développement dans le contexte d’une coopération sur les problématiques environnementales. Dès lors, l’heure est à un changement de paradigme: l’appel à ce que tous les États participent à la réduction des émissions selon leurs propres capacités. N’engageant que les pays développés, l’objectif pour 2020 sera de faire en sorte que tous les États ratifient le protocole et participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Jusqu’à ce jour, malgré la non-participation et la réticence de certains États à participer à ce dernier engagement (notamment la Chine), la plupart des pays ayant signé ou ratifié le protocole tendent à diminuer les émissions. Dès lors, avec le nouveau système mis en place, si les annonces seront mises en œuvre, une hausse de la température de 2,7 degrés Celsius seulement affectera la planète d’ici 2100. Mais cette ligne d’arrivée n’est pas suffisante, le globe n’étant pas à l’abri de catastrophes climatiques. Dès lors, l’idéal sera de réduire les dégâts par une hausse de 2 degrés Celsius d’ici la même année. Après Paris, il faudra donc finaliser ces objectifs et les intégrer au processus de ratification. De son côté, la Suisse a annoncé de s’engager pour une baisse de 50% des émissions par rapport à 1980 d’ici 2030.
Financer l’effort
Les pays développés ne souffrent pas de limites financières considérables pour tenir le cap des objectifs et des engagements pris. En revanche, les pays en développement on besoin d’une aide extérieure pour y parvenir. En 2014, la somme totale s’élevait à 65 milliards de dollars. Le montant à répartir n’étant pas suffisant, le financement devra être vu à la hausse, soit à 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement d’ici 2020. En outre, certains pays on besoin de compensation pour les dommages climatiques subis, ce qui constitue une ultérieure problématique. En bref, les implications financières sont très importantes et les budgets publics étant limités, la question des sources se pose. L’accord qui sera issu de la COP21 devra donc comprendre une réponse au problème du financement pour l’après-2020. Cette réponse devra se diriger vers une refonte des infrastructures et de l’économie mondiale.
La nature de l’accord
La première nécessité est celle d’aboutir à un accord international contraignant et dynamique ainsi que de garantir une mise en œuvre effective. Des cycles de 5 à 10 ans pour assurer que les objectifs et les obligations soient mis à jour et respectés selon les attentes. L’obligation serait donc celle d’adapter régulièrement ces objectifs aux États respectifs. Deuxièmement, l’accord devrait s’orienter vers l’abandon d’une distinction entre pays développés en pays en voie de développement. Enfin, il s’agira de définir de manière transparente des règles communes pour favoriser la confiance mutuelle, pour définir les objectifs et les mécanismes des marchés internationaux. En outre, pour attirer des financements il faut un contexte favorable à l’investissement. L’idée est donc d’élargir le nombre de donateurs et la contribution des pays dont certains, considérés comme en voie de développement, sont tout à fait capables de soutenir l’engagement environnemental. La question, outre celle des besoins de financements pour les pays en développement et les mécanismes des marchés internationaux, sera également de savoir comment créer un accord toujours valable dans 30 ans. La question se posera également de savoir quel sera le facteur juridique contraignant pour le respect des engagements des États.
Une Suisse ambitieuse
Dans ce cadre, la Suisse a annoncé un engagement pour une baisse de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le Conseil Fédéral a ainsi déclaré de réaliser cet objectif avec 30% de réduction en Suisse et 20% à l’étranger. Ce qui constitue, malgré le problème de la double comptabilisation, une moyenne ambitieuse; la Confédération s’étant engagée pour une diminution de 70% à 85% d’ici 2050 pour la Suisse alors que la recommandation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est d’une baisse allant de -40% à -70% d’ici 2050. La Suisse est donc, de toute évidence, plus ambitieuse que les attentes générales. Trois critères sont ainsi mobilisés par la Suisse pour expliquer l’ambition de ses objectifs. C’est premièrement ce qu’elle considère comme sa « responsabilité historique » qui la conduit à hausser la barre de l’engagement. Ensuite, une relative vitalité du PIB lui permet de soutenir financièrement ses propres ambitions vis-à-vis de la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Enfin, l’impact des prises de décision à court terme sur l’économie. La Suisse devra pourtant se mesurer à des obstacles majeurs; le trafic et le bâtiment, responsables de 60% des émissions dans le pays, sont des secteurs où il est difficile d’apporter des changements.