Topick: « Partir du réel pour se diriger vers l’absurde »

Crédit Photo: Thomas Carrage - topick.fr

Il n’y a plus de limites à l’extravagance. Renverser les codes de base – voire les codes sécuritaires – de la scène, c’est sans doute ce qui anime Topick dans sa quête de la folie. Au moyen d’une perceuse, d’un bicycle, de skis, d’une bouteille de rouge ou encore de biscottes et d’un pétard, l’artiste déjanté, révélé équilibriste, passe son temps à faire le cirque. Mettre sans dessous dessous la scène du Lido Comedy & Club aura été une nouvelle réussite pour le jeune homme, avide de nouvelle expérience qui le rendront toujours plus « fou normal ». Rencontre.

Laissez-moi vous dire que vous êtes fou… Et votre folie me conduit à la question évidente: maîtrisez-vous complètement tout ce que vous présentez sur scène ?

Pour le savoir, il faudrait revenir voir le spectacle demain (rires). Disons que je suis quand même censé maîtriser un minimum mes actions sinon on tomberait dans le banal et ce serait peu professionnel. Mon spectacle, en ce sens, ne consiste pas seulement à faire le pitre même s’il est construit de manière clownesque. Dans chaque sketch, il y a une situation avec un personnage et j’essaie de la pousser à chaque fois à l’extrême. Et à un moment donné, ça dérape. C’est ce qui rajoute un peu de suspense au spectacle et permet de mettre le public dans une position ambivalente; maîtrise-t-il ou pas ce qu’il se passe ? Ça tient le spectateur en haleine et j’aime bien quand il s’interroge.

Prenons l’exemple du pétard qui n’explose pas; effet maîtrisé ou pas ?

En partie (rires). Sans vouloir non plus dévoiler tout le sketch, il faut savoir que quand le pétard reste dans la poche de mon pantalon durant toute la durée du spectacle, avec l’humidité, il y a deux chances sur trois à ce qu’il ne pète pas. Alors il y a deux issues finalement: s’il pète, la continuité du sketch est assurée presque normalement – il n’y a pas de problèmes – en revanche, s’il ne pète pas, ça me permet de jouer encore plus sur les doutes du public quand à la maîtrise de mes démonstrations.

Faut-il être fou pour exister, Topick ?

Il y a plusieurs façons d’exister dans la vie. De mon côté – et c’est ce que je répète sur scène – j’explique que faire les choses trop normalement ne permet pas de se faire remarquer et c’est ennuyeux. Cette constatation n’a rien d’une morale finalement. Or, ce que je remarque, c’est que sur scène il est bien de pousser la folie aussi bien dans le texte que dans l’émotion car c’est justement cela qui déclenche les rires. Plus le personnage est en difficulté, plus c’est hilarant. Il y a, certes, un petit côté sadique des spectateurs mais le dénouement est de savoir comment je vais retomber sur mes pattes.

La construction du show est intéressante; vous mélangez des phases de ralentissement – parfois vous faites des pauses – avec des phases rapide, d’accélération. Cela faisait partie de votre volonté initiale ?

Oui, tout-à-fait. Pour donner de l’effet, il faut marquer le contraste; on remarque que je parle fort parce que j’ai haussé le ton par rapport à avant. De même, la phase rapide se remarquera seulement s’il y a eu une phase un peu plus lente auparavant. Pas besoin alors d’en faire des caisses; si l’on jouait le surexcité le spectacle durant, l’on remarquerait même plus les phases réellement comiques mises en scène. Tout est une question de dosage pour éviter que le public ne s’installe dans un rythme et se lasse en conséquence. Tout cela demande une longue et minutieuse écriture.

Tout cela renvoie à une autre conception du stand-up…

Bien sûr, mais cela reste quand même du stand-up car le format ressemble à un spectacle de clown; celui-ci s’adresse au public en le regardant. Mais c’est vrai que je fais beaucoup de mélanges; je mixe entre le texte récité, le clown justement interprété et la comédie dans laquelle le personnage reste un peu cloîtré dans sa bulle. Cela marque l’originalité de mon travail. La semaine dernière, j’ai joué au festival international du cirque Rhône Alpes à Voiron (ndlr, 14è édition présentée par Jean-Pierre Foucault) et je dois avouer que le contexte de présentation du spectacle était sensiblement différent; on joue des « numéros » et non plus des « sketches » proprement parlés et il y a du public tout autour de la zone d’exhibition. C’est un autre jeu qui est aussi plus compliqué…

On sort beaucoup du réel pour découvrir l’absurde, ses dangers et sa morale; qu’en est-il ?

C’est très juste et c’est ce qui m’intéresse dans l’exercice. Chaque situation doit parler aux gens mais en même temps, ceux-ci ne doivent trop s’y identifier. C’est pourquoi il faut donner un cadre réel pour y agir de manière absurde. Après ce que je recherche avant tout, c’est faire rire aussi bien les adultes que les enfants. Je fais de temps en temps des clins d’œil philosophiques mais sans exagérer dans leçon scolaire. Mais c’est vrai, qu’il y a parfois du fond et un fil rouge dans la construction de mon texte.