Avec son slogan « aimer c’est s’engager », la 26ème édition du festival chrétien « Prier et témoigner » prenait fin ce dimanche 8 novembre à l’université de Fribourg. Un weekend de prière, d’activités diverses et de témoignages poignants pour percer le cœur d’un jeune public; mais aussi des chansons, un artiste sincère, Grégory Turpin. La conversion, la crise, l’égarement puis la reconversion et l’engagement: il nous confie son parcours d’enfant prodigue devenu musicien de Dieu.
Du couvent à la vie nocturne: la crise spirituelle puis une nouvelle renaissance. Comment avez-vous trouvé la foi et comment l’avez-vous perdue ?
Un message m’a sûrement été apporté par la musique lorsque j’étais adolescent. J’ai donc découvert la foi et puis je suis entré dans une communauté religieuse. On parlait ce weekend de s’engager; et bien quand j’ai découvert la foi j’ai justement eu envie de m’engager à fond et de me donner vraiment tout entier. Puis, au bout d’un an j’ai dû quitter ma communauté pour des questions de santé. Je me suis questionné. Je me demandais ce qui m’arrivait et je me suis donc un peu éloigné de Dieu. Je ne voulais plus trop entendre parler de Lui. Quand je suis parti de la communauté, j’étais déçu et ne voyais pas ce que le Seigneur voulait pour moi. Finalement j’ai été persuadé de ce qu’Il voulait sans le Lui avoir demandé. À ce moment, j’ai donc commencé à faire de la musique, à gagner ma vie – même à très bien gagner ma vie – à me faire repérer par des producteurs et, petit à petit, m’éloigner de ce qui était essentiel pour moi, ma foi.
Finalement, comment l’avez-vous retrouvée ?
J’ai retrouvé ma foi quand j’étais vraiment au fond du gouffre. Quand j’étais face à ce choix: celui de consommer une drogue plus dure que celle que j’avais l’habitude de consommer. Je me suis dis qu’il fallait faire un choix radical. Un choix radical parce que sinon je n’en aurais plus jamais eu la volonté. Or, ce qui empêche l’engagement c’est le manque de volonté et à un moment donné je n’en avais plus. Et là, il y a eu une sorte de miracle qui s’est opéré, en plein milieu d’une boîte de nuit. Ce jour là, j’ai redonné ma vie au Seigneur, je suis revenu à Lui. Cela a été très difficile, par la suite, de me faire accompagner psychologiquement et spirituellement. Ça a été très long mais c’était pour pouvoir revenir tout en étant sûr que Lui me donnait le bonheur que je n’avais pas.
Vous êtes un artiste chrétien. Pour vous, c’est vraiment dédier votre vie au Seigneur. Vous avez vécu un an dans un couvent, pourquoi ne pas être entré au séminaire ? Pourquoi servir le Seigneur par la musique ? Où est la différence ?
En fait c’est ça qui est paradoxal. J’ai voulu donner ma vie au Seigneur au travers d’une communauté et j’étais très heureux dans cette communauté. Mais, petit à petit, parce que je n’avais pas vu ce que le Seigneur voulait pour moi, parce que je ne me connaissais pas, parce que j’étais quelqu’un de timide, je ne regardais que mes défauts et ma timidité. Je ne regardais pas mes qualités. Et bien, le Seigneur m’attendait ailleurs, autrement, à donner ma vie, autrement: à parler, un peu comme un missionnaire qui a appris un autre langage pour parler à une autre population. Pour moi ce langage c’est la musique. Le Seigneur m’a préparé à cela et m’a emmené bien au-delà de ce que j’aurais imaginé. J’ai toujours fait de la musique, j’ai toujours voulu faire de la musique et là il m’emmène bien au-delà de ce que j’aurais pensé, parce que jamais je n’aurais imaginé chanter à l’Olympia ou signer chez Universal, en tant que chrétien.
Encore une fois, artiste chrétien, vous êtes quand même assez rare sur la scène, mais le vôtre est un succès grandissant. Est-ce que vous pensez qu’il y a une demande ou un besoin de ce genre d’artistes ? Comment expliquez-vous ce succès ?
Ce succès – petit succès – traduit un désir dans notre société, celui de revenir à des choses essentielles, vraies et que Dieu fait partie de ça. C’est pour ça qu’il y a une telle demande et les premiers à le demander sont les chrétiens. Quand les chrétiens se fédèrent autour d’un artiste et achètent son album, c’est la seule manière de le soutenir. Du coup, le fait qu’il y ait beaucoup de monde intéressé par cette musique fait en sorte que d’autres, les maisons de disques notamment, s’intéressent et cela nous permet donc d’avoir un message qui va vers l’extérieur. Le succès est venu dans l’Église et fait tache d’huile sur le monde extérieur parce qu’il y a des gens qui suivent et qui apprécient ce genre de musique.
Vous avez été au cœur de la réalité des chrétiens persécutés en Irak. Pouvez-vous nous raconter cette expérience ? En quoi vous a-t-elle marqué ?
Quand j’ai été avec l’association « Fraternité en Irak », pour visiter les chrétiens irakiens, j’ai été frappé de cette joie à pardonner, de ce pardon qu’ils savent toujours donner. J’ai été frappé du fait qu’ils n’avaient plus rien mais qu’ils ne nous ont jamais rien demandé. J’ai été frappé de voir que ces gens ont préféré suivre le Christ et tout perdre, vraiment comme dans l’Évangile. Tout perdre pour suivre le Christ plutôt que de renier ce qu’ils sont profondément. Moi, ça m’interpelle en tant que chrétien et j’ai envie de les aider là-bas, sur place, pour qu’ils restent des chrétiens, en Orient. Ce sont nos aînés, ils disent la messe en araméen, la langue de Jésus. C’est formidable de voir qu’ils sont là depuis le début. Or c’est la plaine de Ninive qui a été prise par Daesh. La plaine de Ninive c’est Abraham, c’est Jonas et tout cet héritage est entrain de se perdre pour faire place à la barbarie.
Une dernière question: vous écrivez des chansons mais vous avez aussi écrit un ouvrage, « Clair obscur ». Qu’est-ce que vous y racontez ?
« Clair obscur » c’est vraiment mon parcours. J’ai eu envie de raconter ces quelques années où j’ai eu du mal à suivre le Christ, expliquer comment j’étais revenu à lui et comment aujourd’hui j’essaye, avec mes faiblesses – car je ne suis pas un modèle – comment j’essaie de le suivre, en reconnaissant celui que je suis en vérité, c’est-à-dire mes défauts mais aussi mes qualités; en me laissant regarder et en me regardant avec le plus de miséricorde possible parce que le regard de miséricorde que Jésus pose sur nous dépasse tout et est plus fort que tout.