Parole aux principaux candidats des Élections Fédérales du 18 octobre 2015. À quelques jours de l’échéance des législatives, leMultimedia.info livre une série d’interviews avec les pressentis acteurs de cet été électoral. Au programme aujourd’hui: Jean-Luc Berkovits (Vote Blanc).
Vote Blanc n’a pas un programme politique mais un objectif, une proposition à faire valoir. Quel est l’objectif de votre mouvement citoyen?
Un objectif tout simple, clair, immaculé: la reconnaissance du vote blanc comme un vote valable et non en tant que vote non valable, comme c’est le cas aujourd’hui. Une reconnaissance à inscrire dans la Constitution.
On comprend assez facilement la différence entre un « non » et un vote blanc, celle du choix et du non-choix. Mais quelle est la différence fondamentale entre un vote blanc et une abstention?
C’est assez simple. L’abstentionniste ne se rend pas aux urnes, il n’accomplit pas l’action de voter. Il rejette le principe même de voter. Vote Blanc ne rejette pas du tout le fait même de voter. On estime que c’est bien plus efficace, même quand on se considère comme un contestataire du système. On estime qu’il est bien plus efficace de voter blanc si, évidemment, ce dernier est reconnu. Le problème aujourd’hui est, et c’est ce qu’on dénonce, que le vote blanc n’est pas reconnu. C’est-à-dire que les gens qui votent blanc croient faire un geste contestataire mais, dans les faits, ce vote est jeté à la poubelle car considéré comme non valable. Il y a donc la catégorie des votes « non valables » et dans cette entité il y a l’ensemble « blanc » qui est séparé des « nuls », mais dans l’ensemble ce sont tous des votes non valables. Un vote « nul » et un vote « blanc » sont bien sûr considérés comme une participation, par contre tout est jeté à la poubelle.
On peut trouver des votes blancs parmi les abstentionnistes…
Alors ça, oui. On en a rencontré plein d’ailleurs, beaucoup de gens qui ont arrêté de voter parce qu’ils ont constaté le leurre du vote blanc en Suisse et ailleurs. Ils ont remarqué que ça ne servait à rien ou que, pire, ça ne faisait qu’aggraver la situation puisqu’au final ça faisait quand même grimper la participation. Ces gens préfèrent donc s’abstenir en attendant mieux et nous estimons être ce mieux.
Du coup, comment vous positionnez-vous par rapport à l’abstentionnisme? Est-ce que vous êtes en faveur de mesures pour réduire le taux d’abstentions?
Notre projet ne s’exprime pas là dessus. Personnellement je suis contre le vote obligatoire tout simplement parce que j’estime que le vote obligatoire est un déni de démocratie de même que la non reconnaissance du vote blanc est un déni de démocratie. J’estime qu’il est juste et logique de compter les votes blancs car cela permet de garantir le droit de véto populaire d’une population qui ne se sent plus représentée par la classe dirigeante.
Votre mouvement citoyen parle souvent de « mécontentement populaire » ou de « lancement d’alerte » pour définir et donner une signification au vote blanc. Une remarque qui vous est probablement adressée: est-ce là la seule explication possible du vote blanc? Si non, est-ce que cela vous pose problème?
Le problème est que l’État choisit d’interpréter le vote blanc d’une manière unilatérale, c’est-à-dire comme une indécision. Il dit: « c’est ça et rien d’autre ». Nous ne sommes pas d’accord. Nous estimons que le vote blanc a dix-mille raisons sous-jacentes, au même titre que le « oui » ou un « non ». On ne demande pas aux gens pourquoi ils ont décidé de voter « oui » ou « non » à une initiative, pourtant il y a une multitude de raisons différentes. Dans le cas du vote blanc, c’est plus radical, on interprète et on jette. C’est donc un double tort. Nous nous y opposons: le vote blanc veut dire plein de choses. Ce sont des gens qui ont fait l’effort d’aller voter mais dont le vote finit par être supprimé.
Il y a plusieurs interprétations possibles, mais Vote Blanc semble quand même mettre l’accent sur l’idée de contestation ou de remise en question du système…
Le but, notre idéal, c’est que le vote blanc doit pouvoir faire office de remise en question. C’est-à-dire qu’il doit y avoir un contre-pouvoir populaire, dans les votations et lors des élections surtout, pour que la classe politique dirigeante ne se transforme pas en oligarchie. Le vote blanc comptabilisé est donc un droit de véto populaire. Parce que s’il y a une majorité de votes blancs, les candidats ne peuvent plus réaliser leur entreprise et sont donc éliminés par la population qui a voté. Pour ce qui est du mécontentement donc, on en a marre du jeu politique des partis qui n’ont comme seul programme que de voter contre d’autres partis. C’est ridicule. Si on est dans le domaine des idées, on ne va pas commencer à faire ce jeu électoraliste des vases communicants. Le vote blanc est là pour mettre un terme à ces chamailleries de bas-étage et de manipulation des masses. Le vote blanc est impersonnel. Donc si vous votez blanc vous ne votez pour personne.
Au final, même si les votes blancs ne sont pas considérés par les autorités, est-ce qu’un certain pourcentage de votes blancs et d’abstentionnisme ne suffit pas automatiquement à remettre en question certains objets de votations, certaines élections voire le système dans sa totalité? Dès lors, pourquoi ce besoin de représenter le vote blanc en « chair et en os »?
Alors là on parle de deux choses différentes. La comptabilisation du vote blanc est essentielle parce que, comme vous l’avez dit, ça peut changer l’issue d’une votation, d’une élection; ça peut changer énormément de choses. Donc il faut le comptabiliser, c’est très important. Ensuite, pourquoi fait-on une candidature pour le vote blanc? C’est simplement, comme on l’a expliqué dans d’autres médias, parce qu’on nous répète souvent qu’il n’y a qu’à lancer une initiative. Pourtant, lancer une initiative, pour ceux qui ne le savent pas, est un droit mais qui nécessite énormément de moyens. Il faut en général entre 200’000 et 300’000 francs pour lancer une initiative et pour réussir à faire un minimum de campagne. Il faut donc des fonds, il faut du soutien politique qu’on n’a pas et qu’on n’aura pas. Au final, la manière de faire parler de nous et de faire grossir le mouvement c’est de faire une opération de communication en montrant le rôle réel du vote blanc s’il était comptabilisé. Quand il le sera, là au moins, les gens vont voir l’effet de véto populaire. Bien entendu, pour les fédérales, les candidats de Vote Blanc s’engagent à ne pas donner leur opinion au parlement. Ils s’engagent à voter blanc à toutes les mesures et donc à neutraliser le siège tout en militant pour le lancement d’un référendum populaire en vue d’une modification de la Constitution concernant le vote blanc.
Est-ce que vous avez des chiffres sur le pourcentage des votes blancs en Suisse? Est-ce qu’on peut parler d’un déficit de démocratie?
Oui. Nous en sommes tout à fait convaincus. Si vous allez sur admin.ch, le site officiel de la Confédération, vous devez calculer vous-même le pourcentage de votes blancs, tout simplement parce qu’ils ne comptabilisent que le nombre de votes valables. On vous donnera donc toujours, dans les statistiques, le nombre de votes blancs mais jamais la proportion. Celle-là, vous devez la calculer vous-même. Ce n’est donc pas très transparent. En plus de cela, comme je l’ai dit, ce pourcentage n’est jamais comptabilisé car il pourrait potentiellement changer les pourcentages des résultats. On peut aussi constater dans le canton de Vaud environ 5% de votes blancs dans le cadre de votations et, je crois, 3-4% lors des élections. Même si ces chiffres sont potentiellement inexacts, les chiffres exacts sur Neuchâtel sont de l’ordre de 10,7%. A l’occasion d’une élection complémentaire au Conseil d’État, cinq-mille personnes ont donc choisi de voter pour la liste Vote Blanc, au lieu de voter blanc pour beurre.
Vous n’avez donc pas comme objectif de séduire l’électorat, mais est-ce que vous avez quand même des attentes de sa part? Est-ce que vous avez pour objectif un siège au parlement?
Nous sommes ouverts à tout. Nous sommes ouverts à toutes les opportunités. De toute manière nous serons gagnants. S’il y a 0% de votes blancs le 18 octobre alors ça veut dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. On aura donc fait notre travail de baromètre. Par contre, s’il se trouve que nous obtenons un siège, alors nous aurons là un signal très fort. Cela reviendrait à dire que nous avons baîllonné un siège. Pire encore, nous aurons écarté un parlementaire qui ne représentait pas la majorité en nous permettant de l’occuper, non pas en tant que politiciens, mais en tant que militants pour la reconnaissance du vote blanc dans la Constitution. Après quoi, nous rentrerons chez nous.
Une dernière question. Votre objectif est donc celui de faire parler du vote blanc et de votre mouvement citoyen dans le but de lancer un référendum ou une initiative. Pouvez-vous nous en parler plus en détail?
L’initiative n’existe pas encore. Mais le principe reste le même: modifier la Constitution, par le biais d’une initiative ou par référendum, dans le but de reconnaître le vote blanc. Pourquoi la Constitution? Parce que c’est le seul vote qui est demandé au peuple à tous les coups. Il n’y a pas une seule virgule de la Constitution qui doit changer sans l’accord à la grande majorité du peuple. C’est donc pour cela qu’on veut passer par là. Parce qu’on sait très bien que la classe politique va très vite se sentir menacée par le vote blanc et une modification par la voie parlementaire serait rapidement révoquée et balayée, comme cela s’est déjà produit par le passé. On sait bien que le parlement ne veut pas entendre parler de ça.
Vous avez tout de même formulé la « loi du vote blanc »…
C’est juste une esquisse. Il faudra encore la peaufiner si jamais nous arrivons au parlement. C’est seulement une idée de ce que pourrait être la modification constitutionnelle. Nous sommes évidemment ouverts au débat et nous voulons en ouvrir un sur le vote blanc au niveau national, on veut parler de ça. Parler du vote blanc est essentiel pour la démocratie. On ne peut pas prétendre être en démocratie et jeter le vote des gens.