Parole aux principaux candidats des Élections Fédérales du 18 octobre 2015. À quelques jours de l’échéance des législatives, leMultimedia.info livre une série d’interviews avec les pressentis acteurs de cet été électoral. Au programme aujourd’hui: Anita Messere (Ecopop).
La crise migratoire marque l’actualité internationale, un thème qui a toute l’attention d’Ecopop. Pensez-vous que la Suisse soit réellement frappée par une vague migratoire sans précédents ou bien s’agit-il pour l’association comme pour d’autres partis d’une discours porteur en campagne électorale?
Il faut savoir que les réfugiés ne représentent que 1% du nombre d’étrangers que nous avons en Suisse. Si le conseil fédéral dit vrai, c’est-à-dire qu’on accueillerait 6’500 syriens de plus sur deux ans, cela représente, par rapport au nombre d’individus consommateurs sur territoire suisse, pas grand chose. Ecopop ne se positionne pas par rapport à ce type de migration. On vise plus large et on considère le nombre global de personnes qui viennent, indépendamment de leur nationalité ou de leur religion contrairement à ce qui se fait chez l’UDC.
Croissance démographique et impact environnemental: deux phénomènes intimement liés pour Ecopop. Mais est-ce que ce sont vraiment là des problèmes majeurs en Suisse? Mythe ou réalité?
Chaque seconde, en Suisse, 1,1 mètre carré disparaît des terres agricoles, qui n’est donc plus cultivable. Penser que cela ne soit pas lié à la croissance démographique est un leurre. Il faut commencer à prendre en compte le fait que notre immigration, qui est dix ou onze fois supérieure à celle de l’Allemagne, voire plus certaines années, a un impact réel sur l’environnement. On ne peut pas le nier. Ceux qui le nient sont des gens qui ne savent pas compter. Quand on veut calculer l’empreinte écologique globale on prend le nombre d’individus multiplié par leur empreinte écologique et on a, effectivement, l’impact sur l’environnement. Actuellement nous sommes huit millions-trois-cent-mille habitants en Suisse. On s’achemine vers une Suisse à dix millions d’habitants dans quinze ans en pensant qu’on va continuer à avoir la même qualité de vie avec toujours plus d’individus. Je pense que c’est une évidence, et je ne suis pas la seule à le penser d’ailleurs, que c’est évidemment faux.
Du coup, est-ce que vous pensez que le problème de la surpopulation, tant au niveau national que mondial soit trop peu considéré? Par la même, est-ce que vous estimez que la question environnementale, pourtant mise à l’agenda et promue par l’ONU, soit ignorée par les responsables politiques et économiques?
Elle est de plus en plus considérée, signalée notamment par le pape. A force que les membres d’Ecopop et que les gens qui nous soutiennent écrivent au pape, on a finalement obtenu de lui qu’il dise dans la presse qu’il fallait que les chrétiens cessent de croire que pour être de bons chrétiens il fallait « faire des enfants comme des lapins », je cite. C’est déjà énorme parce qu’on ne se rend pas compte, pour les gens qui ne sont pas forcément croyants, de l’impact que peut avoir le pape dans toute la chrétienté et au-delà. Il était donc déjà important d’avoir un positionnement de l’Église et qui ne soit plus dans la logique du « crescete e multiplicate ». Kofi Annan, Al Gore et un nombre de personnalités savent très bien que la bombe démographique qui nous est réservée pour l’année 2050 n’est pas souhaitable pour l’environnement et pour tous les êtres vivants sur la planète.
Pour revenir à la Suisse, est-ce que Ecopop estime qu’une meilleure gestion de l’immigration résoudrait le problème de la croissance démographique dans le pays?
C’est une évidence. C’est lié. Treize mille personnes en plus chaque année sont dues au déficit des naissances, c’est-à-dire au vieillissement de la population. Sur cela, nous avons très peu d’impact. En revanche, là où nous pouvons avoir de l’impact c’est sur l’immigration massive que subit l’environnement de notre pays et qui a un impact écologique vraiment fort. Je sais que, éthiquement, cela est très mal perçu de se positionner contre la croissance démographique mais en même temps c’est inéluctable. Alors, pour l’instant, cela paraît politiquement très incorrect mais, dans les années à venir, il me semble évident qu’on va de toute façon gagner du terrain. La question n’est pas de savoir si on a raison mais quand on aura raison.
Vous pensez donc qu’Ecopop anticipe, en quelque sorte, ce que pourraient être les défis politiques, sociaux et économiques majeurs du XXIème siècle.
Effectivement, il faut à tout prix stabiliser la population mondiale. Il n’est pas possible d’avoir un milliard d’africains en plus. Il faut absolument qu’on arrive à trouver des solutions et on sait que la simple éducation des individus n’est pas la réponse la plus adéquate. Alors on a proposé que la Suisse fasse une très large campagne au niveau mondial par rapport à la planification volontaire, et j’insiste sur le mot volontaire, en lien avec la question des naissances. Parce qu’on sait qu’on a deux-cents millions de naissances par année et que parmi celles-ci huitante millions ne sont pas désirées.
Ecopop cherche donc à régler le problème écologique et à améliorer la qualité de vie en corrigeant le problème de la surpopulation et donc de la demande. Ne faudrait-il pas plutôt appuyer une transition écologique au sein des entreprises ou une sortie du nucléaire? Ne faudrait-il donc pas critiquer le mode de production plus que le problème de la surpopulation? En bref, pourquoi préférer une décroissance du taux de population à une croissance verte?
Est-ce que vous voulez renoncer à votre confort? Quand je parle de confort je parle d’un lave-vaisselle par exemple. Est-ce que vous voulez renoncer à votre voiture? Est-ce que vous voulez renoncer simplement à vous déplacer parce qu’à chaque fois que vous le faites avec un transport qui ne soit pas un vélo vous générez du CO2, vous générez de la pollution? Il y a un moment où on est habitué à un certain confort. On est persuadé que la plupart des gens ne veulent pas renoncer à ce confort et qu’il n’est pas possible de le leur demander maintenant. Leur demander de réduire la population dans un espace donné est beaucoup plus faisable et réaliste. Ne pas prendre en compte le fait que le nombre d’individus a un impact sur la consommation finale est un non-sens. Maintenant, par rapport au nucléaire, et nos articles et nos slogans posent la question: comment sortir du nucléaire dans une population en croissance constante et forte? Il me paraît évident qu’on se soucie aussi et peut-être d’abord de la manière avec laquelle on produit l’énergie. L’énergie est un des problèmes de la surpopulation mais on parle aussi de toutes les ressources, que ce soit au niveau territorial ou énergétique. Il faut donc stabiliser les ressources consommées par individu mais aussi la croissance de la population. On est avant tout soucieux de l’environnement.
Promouvoir l’écologie et la qualité de vie des habitants en diminuant le taux de croissance de la population reviendrait pourtant à une baisse de la croissance économique en Suisse. Est-ce réaliste et raisonnable dans un monde globalisé?
L’impact que vous décrivez n’est pas certain, si je prends l’exemple de l’Allemagne qui a une population en décroissance. Cela ne les a pas arrangés pour leurs assurances sociales mais économiquement ça n’a eu aucun impact; au contraire, c’est une économie qui est restée florissante. Le problème de notre économie est qu’elle est basée sur une croissance perpétuelle de la population et demeure, à certains égards, fragile. Le fait d’attirer des entreprises étrangères qui viennent avec leur propre personnel, créant un appel d’air pour un personnel plus qualifié pour qu’il se fasse employer à moindre prix, est vraiment problématique. D’autant plus que quand elles partent elles nous laissent des « cadeaux », c’est-à-dire des gens au chômage. Entre 2014 et 2015, avec la croissance de la population qu’on a, on a gagné 42’000 personnes mais, au mois d’août entre ces deux années, on a quand même 8’000 personnes de plus au chômage par rapport à l’année précédente. Je pense qu’on va vers une dynamique d’augmentation du chômage et pas seulement à cause du franc fort, qui n’a pas l’impact dont on parle. Mais, je le rappellerai toujours: le taux de chômage n’est pas révélateur du nombre de personnes qui cherchent effectivement un emploi. Il y a effectivement les gens au social et qui cherchent un job; ceux qui sont l’AI et qui seraient encore capables de travailler, par exemple les alcooliques ou des gens en surpoids mais qui ne trouvent pas un job parce que des européens viennent, eux qui sont jeunes, fringuants, efficaces, intelligents, aimables ou motivés. Il y a donc toute une population fragile qui n’a pas accès au marché du travail à cause de cette concurrence.
Donc plus qu’une limitation de l’immigration en général Ecopop militerait plutôt pour une immigration contrôlée et intelligente. Je parle par exemple du financement de l’AVS, la sélection des immigrés en fonction de leur adaptabilité au marché de l’emploi ou leur apport à l’économie.
C’est déjà ce qu’on fait. Il faut remarquer que la plupart des gens qui viennent ici sont bien sélectionnés: on ne vient pas en Suisse, on ne peut pas avoir un permis B si on n’a pas un contrat de travail. Cette sélection là est donc déjà faite. La plupart des étrangers qui viennent ici sont bien intégrés. Le problème n’est pas l’altérité, le problème c’est l’impact sur l’environnement. On a 87’000 personnes de plus en 2013, encore plus en 2014 et en 2015 on a pété tous les records.
Beaucoup de pays appliquent pourtant des contingents d’immigrations encore plus restrictifs qu’en Suisse ainsi que des politiques de stabilisation de la population qui se sont révélées économiquement rentables comme en Allemagne. Est-ce que vous pensez que la Suisse soit trop accueillante?
On a un système politique qui va favoriser l’entreprise et la motivation des gens à entreprendre. Si vous allez sur le site de la Confédération c’est assez exemplaire. On y trouve une page dédiée aux business plans. Vous voulez créer votre entreprise? Autrement dit: la Suisse est là pour vous aider. Cela a des conséquences et on pourrait se réjouir de ces conséquences si on était quatre millions d’habitants, si on avait la place et les ressources et si on n’était pas dans une surconsommation effrénée comme actuellement. Le problème est qu’on est huit millions-trois-cents mille, que tout va de plus en plus vite, qu’on ne tient plus compte de rien. Il y a des gens qui restent sur le côté, il faut les intégrer. On a un bétonnage du pays absolument effrayant: on bétonne un lac de Brienz par année. Il est donc important de réellement prendre conscience qu’il faut absolument modérer cet accroissement de la population, que ce soit au niveau local ou mondial.
Parce que vous pensez que les citoyens suisses seront prêts à accepter des politiques de planification familiale et de contrôle démographique? Dès lors, en vue des élections fédérales, quelles sont les attentes électorales pour la liste Ecopop dans le canton de Vaud?
Il faut savoir que la DDC le fait déjà à plus de 100 millions de francs par année qui sont entièrement dévolus à la planification familiale volontaire. Je pense que le peuple suisse est très heureux que la DDC consacre une partie de son budget à cela. Parce que Mme Sommaruga comme Mme Fiala, les années précédentes et quoi qu’elles en disent maintenant, étaient favorables à la planification volontaire des naissances. C’est donc une politique étrangère déjà menée par la Confédération, mais Ecopop souhaiterait qu’on fasse davantage, que cet engagement soit doublé, car la planification volontaire a réellement un impact sur la qualité de vie des gens. On espère donc avoir un maximum d’élus qui puissent aller à Berne. On espère faire quelques sièges dans les trois cantons où on se présente. Parce qu’il est important d’aller au parlement, de pouvoir taper du poing sur la table à chaque fois qu’il sera possible de parler de la surpopulation. On sait que 26% des gens nous ont soutenus lors de l’initiative et que ces 26% ne sont pas représentés au parlement.
Une dernière question. L’association Ecopop a récemment porté plainte contre la RTS, accusant une couverture médiatique « dérisoire » pour les plus petits partis. Un commentaire?
C’est pas compliqué. Les petits partis ont droit à 5 minutes placées à 13h20, les grands partis ont droit à 25 minutes placées à 19h10. Par ailleurs, il y a une tribune quasi quotidienne pour les grands partis. Est-ce que c’est normal qu’on ait une telle disparité entre les partis nouvellement venus et les partis traditionnels? Je ne le pense pas et c’est pour cela que j’ai déposé plainte; parce qu’une médiation n’aboutit à rien. Ce sont des gens qui estiment avoir une totale liberté éditoriale. Ils n’ont pas à se confronter à une proportionnalité par rapport à la représentation des différents partis.