Ce jeudi, le jeune prodige de l’humour suisse romand, Vishal Joneja produisait pour la première fois son one man show sur les planches du Lido Comedy & Club. Avec une élégance et une aisance certaines, l’indien d’origine a livré un spectacle unique et innovant même s’il a été teinté d’une perte de constance vers la fin. Au final, fort d’un texte construit et cohérent, Vishal n’a plus qu’un objectif: perfectionner son expression scénique pour qu’il s’accorde à son potentiel comique confirmé. Interview.
Tu dois être vidé après cette première soirée test pour ton spectacle. Qu’en est-il réellement ?
C’est assez frustrant. C’était très bien parti mais il arrive des moments où on s’y perd même si parfois on arrive à retrouver le fil du texte. Ce soir, il y avait un peu de tout mais j’ai tout de même misé sur l’improvisation. Ça a été concluant malgré quelques petites ratures. Il faut être honnête, ça ne marche pas toujours. Mais en général, je suis content de prendre le risque. C’était ma première et j’étais entouré d’un public fantastique; le meilleur que l’on puisse avoir, doté d’une gentillesse certaine. Il y avait également beaucoup de mes amis qui sont venus me soutenir donc très heureux de ce point de vue-ci.
Dans la construction de ton spectacle, il faut noter cet éloignement du stand-up traditionnel avec beaucoup de nouveautés que nous n’avons pas retrouvées chez les autres jeunes talents romands qui t’ont précédés. Parmi les spécificités notées, on retrouve une voix-off (qui joue ta conscience), un spectateur-complice et le concept de la blague au bol (déjà teste lors du Level Up 2 que tu as organisé au Lido il y a quelques semaines). Comment tout cela a germé dans ton esprit ?
L’idée est la suivante: vu que mes camarades de scène ont déjà adopté leur style de stand-up « classique » qu’ils adorent et que je respecte beaucoup, j’ai de nature le besoin de souvent me démarquer des autres. J’aime bien être différent. J’imaginais une simple mise en scène dans laquelle mon personnage rentre du travail, raconte des histoires drôles et repart ensuite dans son activité professionnelle. C’est d’ailleurs comme cela que j’imagine notre société de nos jours et c’est comme telle que je voulais la montrer. Maintenant, ce n’est pas toujours évident de réaliser à la perfection nos attentes mais l’important était, du moins, de parvenir à créer un fil conducteur qui maintienne une certaine logique, corrompue à souhait (rires).
Une très belle énergie t’a accompagnée ce soir avec, notamment, un public entièrement conquis à ta cause…
Ah oui ! Il y avait vraiment tous mes amis et proches dans la salle ce soir. Cela me stresse davantage maintenant car s’il faille que je le rejoue en face d’un public mins averti, il va falloir que je le révise davantage. J’ai eu peu de temps à consacrer à mon spectacle ces derniers jours car j’ai changé de métier récemment et cela s’est malheureusement ressenti ce soir. Mais je me suis vraiment bien amusé et le plaisir ne m’a jamais quitté; beaucoup de personnes ont semblé avoir passé une belle soirée et j’espère pouvoir continuer sur cette lancée.
Tu as une force comique incroyable. C’est le genre de composante, chez un artiste, qui est difficilement remarquable lors de courtes premières parties d’un quart d’heure. Or, dans un exercice plus long, l’on a pu réellement admirer ton potentiel…
Merci beaucoup ! Je ne me rends pas très bien compte depuis la scène mais je vais tâcher de visionner les vidéos pour prendre réellement conscience de ma valeur. Je pense que les années d’improvisation que j’ai faites – environ 10 ans – m’ont permis de trouver ma voie. La différence notoire que j’y vois et que le comique, l’humour dans son art en général, ne se réduit pas qu’à une simple présence et un texte solide. L’exercice se réalise également et surtout dans la capacité à se créer une situation qui nous est propre et il faut savoir scruter des instants de silence dans celle-ci. À la base, je pense être plus fort dans ce que j’appelle le « jeu sincère » mais il faut que je puisse le montrer au public. Plus tard, j’aimerais bien me diriger vers un humour intelligent, c’est-à-dire éduquer, au travers du rire, sensibiliser les gens à des problématiques que l’on ne rencontre pas dans notre quotidien, comme par exemple, la matrice d’Eisenhower.
Tu as un personnage qui est construit d’emblée sur scène. La figure de l’indien corrompu t’est unique et constitue un très bon point d’ancrage pour ton spectacle…
Oui, tout-à-fait. Il arrive parfois, sur scène, sur certains passages, que la présence seule du personnage suffit, sans rien dire. C’est un peu comme Monsieur Fraize qui parle très peu dans son spectacle car il n’en a pas besoin. Et ceci est réellement génial, c’est ce que j’aimerais bien développer par la suite. Je ne veux pas copier exactement son fonctionnement mais bien explorer la figure de mon personnage corrompu. Je pense que nous sommes tous corrompus parce que l’on vit tous un peu influencés; c’est le message que se veut faire passer mon spectacle. Nous ne sommes vraiment pas tous propres dans cette histoire et dans cette vie.