Parole aux principaux candidats des Élections Fédérales du 18 octobre 2015. À un mois de l’échéance des législatives, leMultimedia.info livre une série d’interviews avec les pressentis acteurs de cet été électoral. Au programme aujourd’hui: Steen Boschetti (Parti Bourgeois Démocratique).
Le PBD, depuis sa création en 2008 et en dissidence avec l’UDC, n’a cessé de monter en puissance au niveau national. Il possède 9 conseillers nationaux et un aux États… Quel est l’objectif de ces élections ?
Pour nous, il s’agit, au niveau suisse, d’obtenir 3 siège supplémentaires et au niveau vaudois, nous souhaiterions décrocher notre premier siège au Conseil National.
Le PBD, en collaboration avec le PDC, a lancé une initiative parlementaire en septembre 2014 voulant « [c]larifier et pérenniser [les] liens [de la Suisse] avec l’Europe ». Si vous affirmez vouloir respecter, comme toute la classe politique, l’article 121a de la Constitution, vous affirmez – et je cite encore – que « [t]outefois, le peuple souverain n’a pas explicitement tranché […] entre la poursuite et la rupture des rapports établis par voie d’accords avec l’Union européenne ». Faut-il (ou non) interpréter le « oui » à l’initiative conte l’immigration de masse comme un désaccord des Suisses face à la voie bilatérale ?
C’est justement tout le problème avec les initiatives. On ne peut pas interpréter une votation. C’est une votation qui est passée à un cheveu mais il y a quand même une claire volonté du peuple à restreindre l’immigration. Toutefois, je trouve que l’interprétation d’un « non » caché aux bilatérales est une exagération. C’est justement pour cela que le PBD veut faire un article constitutionnel pour remobiliser le peuple sur la question des accords bilatéraux. Il est nécessaire de connaître clairement les positions du peuple concernant les accords de libre échange avec l’Union Européenne. En tous cas, il faut préciser que de notre part, la votation du 9 février est acquise et nous tâchons de trouver des solutions pour favoriser la mise en œuvre de l’initiative.
En ce sens, serait-il dangereux de revoter dans le cadre de l’initiative RASA (qui veut abolir l’article constitutionnel du 9 février 2014) ?
De notre part, nous ne prenons pas l’effort de juger cette initiative. Il s’agit d’un droit démocratique que nous respectons. Toutefois, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de la solution la meilleure pour résoudre le problème. C’est une votation qui aura lieu dans longtemps et il est primordial de trouver des solutions avant.
Dans l’ordre de ses volontés politiques, le PBD (de nouveau de concert avec les démocrates chrétiens), souhaite privilégier la main d’œuvre nationale aux travailleurs et immigrés étrangers. Mais cette question est plus vaste qu’elle n’y paraît puisqu’elle n’implique pas nécessairement une fermeture des frontières mais plus une aide à la formation. Est-ce un réel danger pour la Suisse que les immigrés qui viennent s’installer sur notre territoire soient plus formés que ses propres citoyens ?
Non, au contraire. Pour une place économique comme la nôtre, c’est une chance d’avoir accès à de la main d’œuvre qualifiée mais, comme vous l’avez dit, le plus important pour la Suisse, c’est qu’elle investisse dans la formation pour que les Suisses aient la capacité de rivaliser avec les concurrents des marchés étrangers. Donc que la main d’œuvre étrangère qui s’installe en Suisse soit formée ne pose aucun problème dès l’instant où la Suisse s’engage à former davantage ses citoyens. Cette formation doit pouvoir se réaliser en donnant des crédits supplémentaires. Par exemple, chaque année, on manque de médecin mais nous n’investissons pas assez dans la formation à cette profession. Il y a un numerus clausus qui est néfaste pour la profession et cela n’est dû qu’à un budget restreint qu’il faille dégager.
Personnellement, vous prenez un penchant très progressiste (pro-avortement, pro-mariage pour tous, assistance au suicide,…). Est-ce un tournant majoritairement soutenu dans votre parti ?
Pour tout ce qui concerne le mariage et l’adoption pour les homosexuels, c’est une vision officielle du parti. Nous sommes le parti bourgeois le plus progressiste sur le sujet mais il n’y a pas de position claire sur l’assistance au suicide au niveau suisse. Mais je suis convaincu que tout le monde partage ma vision, tout comme l’avortement. Il y a des questions de société qui se posent de plus en plus. Les solutions du passé ne sont plus adaptées car la société évolue donc il faut adapter les lois. Dans ce sens-là, le PBD est le parti le plus progressiste de droite comme du centre.
Une réforme phare que le PLR préconise est la RIE III. Les coalitions de centre-droit la soutiennent également. Dans un contexte de fragilisation économique avec le franc fort, cette initiative est plus que nécessaire pour aider les PME ?
Cette réforme est obligatoire, notamment vis-à-vis de l’Union Européenne. La question qu’on doit se poser est de savoir si l’on veut des réformes qui soient bénéfiques pour les entreprises ou l’on supprime les statuts spéciaux sans faire de réformes. Dans le second cas, les pertes seraient d’autant plus énormes si les multinationales et les petites entreprises partaient. On aurait de gros problèmes au niveau des finances donc la question de la fragilisation économique sera la même. Maintenant, il faut trouver une réforme équilibrée; c’est ce que fait le Canton de Vaud, actuellement, il y a une bonne coalition gauche-droite sur le sujet. Tout le monde reconnaît qu’il s’agit d’un sujet d’importance pour l’avenir, même si elle est imparfaite pour l’instant.
Est-ce que l’abandon du taux plancher par la BNS a mis en lumière la nécessité d’une économie forte pour la Suisse qui passe par la bonne santé des entreprises ?
Tout à fait ! Que ce soit dans le contexte du franc-fort ou des bilatérales, la question de l’économie est au centre de tout le débat politique. L’économie est l’élément qui fait vivre un pays, c’est ce qui permet d’avoir des familles fortes, des gens heureux qui travaillent et qui ont de quoi vivre dignement.
On observe une recrudescence de la petite criminalité, la délinquance. La sécurité et une justice humaine sont les maîtres-mots de la campagne de la coalition PBD-PDC-Verts’libéraux. Vous souhaitez personnellement supprimer les jours-amende pour certains cas et revoir l’échelle des peines privatives de liberté. Ce sont des propositions certes intéressantes, mais peut-être encore vagues…?
Bien sûr, ce sont des questions qui sont encore vagues et qui demandent d’être développées. Je peux vous citer quelques cas pour lesquels il faudrait supprimer les jours amende, lors de récidives par exemple. Les jours-amende sont efficaces pour des petits délits – ça permet de désengorger les prisons – mais dans les cas plus graves où il y a de la récidive systématique, ils ne constituent pas une solution fort intelligente. Donc, je suis pour un retour à de courtes peines de prison. D’ailleurs, le Conseil national et le Conseil des États sont en train de délibérer sur le sujet.
Comment aller plus en profondeur du problème de la sécurité ?
On a découvert, ces dernières années, la criminalité transfrontalière. C’est un problème que nous devons traiter sur deux axes; non seulement au niveau européen – où la Suisse doit notamment proposer des solutions au travers de l’espace Schengen – mais aussi au niveau national où nous devons renforcer les effectifs de police et mettre – j’y suis favorable – plus de contrôles sporadiques au niveau des douanes et veiller à ce que les frontières ne soient pas non plus des passoires.
Certains critiquent avec véhémence la décision de l’Allemagne, la Slovaquie ou encore l’Autriche de suspendre l’accord de Schengen, ne serait-ce que temporairement. Pouvons-nous comprendre de telles réactions face à la crise migratoire qui sévit actuellement ?
Le problème est extrêmement vague. Ça touche l’épineuse question de la crise humanitaire que traversent certains pays mais je pense que – le fait d’ériger temporairement un mur aux frontières – est compréhensible si les États se sentent dépassés. Pour pouvoir gérer au mieux les afflux d’immigrés et les traiter de la meilleure manière possible, nous pouvons imaginer fermer sporadiquement les frontières. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons plus accepter les demandes d’asile comme l’a fait a Hongrie, dont le comportement est tout simplement inacceptable.
Des statistiques mensuelles démentent totalement certaines idées reçues quant à une « invasion » des demandes d’asiles en Suisse. Est-ce que les politiciens – majoritairement d’extrême droite – n’exagèrent pas le sentiment de la menace extérieure qui s’exerce quotidiennement sur notre pays ?
Justement, tout cela constitue la recette de l’UDC pour faire campagne. Je ne partage pas leur point de vue. On a une crise humanitaire et la Suisse doit accueillir des réfugiés de guerre. Sur ce point, tout le monde est d’accord. Après, il y a peu de réfugiés qui arrivent en Suisse par rapport à l’Autriche, la Hongrie ou encore l’Italie (entre autres) et ce n’est rien par rapport à ce que la Suisse a connu dans les années précédentes avec la crise au Kosovo. Donc, l’exagération est bien présente mais ce n’est pas exclu que cette situation imaginée advienne un jour en Suisse si d’autres pays continuent à être dépassés.
Est-ce que les universités suisses, entre autres grandes infrastructures du pays, devraient alors tenir un rôle d’hébergement dans cette crise européenne ?
Je ne suis pas sûr que ce soient les lieux le plus adaptés pour accueillir des migrants. Mais en tout cas, ce qui est certain, c’est que l’on ouvre des centres d’accueils pour pouvoir accueillir dignement ces personnes qui fuient l’horreur. La Suisse aurait parfaitement pu connaître ce sort il y a quelques années avec la Seconde Guerre Mondiale. Aujourd’hui, c’est d’autres pays qui sont fronts mais nous ne sommes jamais à l’abri de ce genre de situations. Donc il faut investir dans l’accueil de ces migrants.
La Suisse devrait-elle faire son possible – toujours dans la bonne tenue de son statut de pays neutre – pour aider à résoudre le problème ex-ante, c’est-à-dire à la source du mal ?
Ce n’est pas une problématique européenne, c’est plutôt une problématique des pays concernés pas la guerre. La Suisse est, en effet, neutre et ne peut intervenir militairement mais peut tout à fait se proposer pour aider les parties à trouver un terrain d’entente. Mais étant donné qu’il s’agit d’une guerre multi-partite, ça va être extrêmement difficile. Aider, par exemple, économiquement est difficile de par le fait qu’il n’y a pas de parties clairement identifiées. Nous pouvons aider de manière humanitaire, ce que fait parfaitement bien la Croix-Rouge. Le soutien doit être maintenu aux ONG pour qu’ils puissent faire leur travail dans les meilleures conditions possibles.
Le PBD met assez en avant le thème de la migration dans sa campagne selon vous ?
C’est en tout cas ce que nous cherchons à faire car c’est un problème actuel. Nous tentons de trouver des solutions aux problèmes que l’on va rencontrer à l’avenir. Nous avons des propositions claires; une politique d’asile ferme est juste et humaine mais cela n’intéresse pas forcément les médias car il ne s’agit pas d’une position extrême; comme peuvent le proposer l’UDC (fermer complètement les frontières) ou l’extrême gauche (ouvrir totalement les barrières). Nous avons, personnellement, une position qui reflète notre parti: assez centriste et assez pragmatique.
Pour terminer, j’aimerais traiter brièvement le thème du fédéralisme. Trouvez-vous que les cantons délèguent trop à la Confédération ?
Tout-à-fait ! J’ai un exemple éloquent qui me vient à l’esprit; c’est lors de la révision de la LAT (la loi d’aménagement du territoire), soutenue par le canton de Vaud, qui a totalement transféré les pouvoirs du canton à la Confédération. Mais aujourd’hui, nous nous rendons compte que celle-ci est moins apte à juger les besoins des cantons que les cantons (ou les communes) eux-mêmes. Cela pose des problèmes de souveraineté des cantons qui sont mieux placés pour proposer des solutions différentes selon la spécificité de la région. Donc, je suis très favorable à (re)donner les pouvoirs originaires aux cantons.
Quand des pouvoirs sont transférés des cantons à l’unité centrale en Suisse, il y a généralement des contreparties offertes aux cantons qui se manifestent majoritairement dans une créativité dans la mise en œuvre spécifique des lois adoptées. Est-ce que cette créativité s’exerce assez aujourd’hui selon vous ? autrement dit, les cantons gagnent-ils réellement au change ?
Nous voyons justement que dans le cadre de la LAT, ce n’est pas le cas. On voit qu’il y a des ordonnances faites qui ne reflètent pas les souhaits des cantons et au final, c’est juste une perte de pouvoir. La même chose s’observe sur les horaires d’ouverture des magasins. Au niveau du Parlement, certains souhaitent obliger les cantons à ouvrir plus tard alors qu’il s’agit d’une compétence strictement cantonale, heureusement que le projet n’a pas été accepté; les cantons peuvent ainsi gérer leurs propres horaires d’ouverture des magasins selon les besoins de la population au niveau local. Des villes comme Genève ou Bellinzone n’ont pas exactement les mêmes besoins. Donc nous sommes toujours plus aisés à juger les nécessités des localités depuis la base plutôt que tout en haut de la pyramide.
Est-il possible de revenir en arrière et permettre aux cantons de retrouver certaines de leurs prérogatives ?
Oui, je pense. Ce n’est qu’une question de volonté. Nous pouvons assurément y parvenir et ce ne serait pas une mauvaise chose. Après, ça dépend tout de même du sujet mais il y a la possibilité pour les cantons et les communes de trouver des solutions créatives pour leur réalité. D’autres cantons peuvent reprendre l’idée de leurs voisins ou totalement l’abandonner mais cela permet de créer de formidables ballons d’essai et de faire jouir la créativité locale.