Parole aux principaux candidats des Élections Fédérales du 18 octobre 2015. À un mois de l’échéance des législatives, leMultimedia.info livre une série d’interviews avec les pressentis acteurs de cet été électoral. Au programme aujourd’hui: Guy Parmelin (Union Démocratique du Centre).
L’actualité de ces dernières semaines nous oblige à parler des migrants. Soutenez-vous la pensée des jeunes UDC de fermer strictement les frontières aux migrants ? Je sais que la question fait beaucoup parler au sein du parti…
Alors, comme dans tous les partis, les jeunes sont indépendants du parti central, même s’ils sont le plus souvent intégrés et ont droit à des postes dans des instances dirigeantes. La position du parti est assez claire. On a toujours dit que l’on voulait reprendre la maîtrise de l’immigration ; d’une part, pour l’immigration choisie mais aussi pour l’immigration de manière générale. Ce que l’Allemagne, la Slovaquie ou encore l’Autriche font, c’est justement reprendre le contrôle de nos frontières. Ce n’est bien sûr pas de dresser un mur ; il est clair que des personnes ont également droit à la protection car elles sont en danger de mort dans leur pays et doivent donc être accueillies. Mais le problème est autre : beaucoup de personnes se confondent et viennent pour des raisons strictement économiques et ne remplissent pas les conditions requises par la loi pour bénéficier de l’asile. Ceci est l’aspect négatif de la migration actuelle. De l’autre côté, l’immigration choisie et donc de masse ne nous appartient plus puisque c’est au Conseil Fédéral de mettre en œuvre notre initiative.
Je ne peux peut-être pas en parler en ces termes, mais est-ce que la crise des migrants est une aubaine pour l’UDC ? Puisqu’elle donne majeure légitimité à votre opposition à Schengen…
Je ne pense pas que nous puissions parler d’aubaine pour l’UDC car nous souhaiterions que la crise des migrants soit de prime abord réglée à la source ; c’est à dire, dans leur pays. Cela résoudrait de manière radicale et à moindres coûts tous ces problèmes migratoires. Toutes ces personnes qui fuient n’auraient plus à risquer leur vie et se ruiner économiquement en payant des passeurs. De plus cela soulagerait les pays hôtes qui mettent en place des coûteuses infrastructures d’accueil. Donc, on ne peut pas vraiment parler d’aubaine pour l’UDC même si le parti a toujours combattu les accords de Schengen et Dublin. Nous avons toujours concordé à dire que ce sont des accords qui ne fonctionneraient pas à long terme et surtout qu’ils constituaient des accords « de beau temps », si vous me passez l’expression. J’aurais tendance à dire que nous avons eu raison un peu trop tôt mais ce n’est pas quelque chose qui m’enchante particulièrement.
Vous partagez cette idée d’accords « de beau temps » ?
Et bien, indépendamment de notre vision, nous sommes obligés de le constater actuellement. L’Allemagne les a quasiment suspendus – provisoirement ou définitivement, nous ne le savons pas – d’autres pays sont sur le point, si ce n’est déjà fait, de prendre des mesures restrictives. Tout cela prouve, qu’en cas de crise, la seule idée de frontière extérieure à l’Europe bien gardée n’est suffisante pour pallier certains problèmes, surtout en matière de criminalité parce qu’une fois qu’un criminel se trouve dans l’espace Schengen, il peut circuler librement et rapidement. Quant à Dublin, l’idée que chacun doive s’enregistrer dans le premier pays d’accueil est peu fiable car tous ces migrants jettent leur papier d’enregistrement et nous ne pouvons plus retracer la provenance chaque personne. Donc ce sont des accords utopiques qui ne peuvent maîtriser le problème sans qu’un contrôle ne soit accordé à chaque État.
Le thème central de la campagne n’est pas une nouveauté. On parle notamment de l’Union Européenne. On sait que depuis la votation de 1992 et le refus d’adhérer à l’Espace Économique Européen, la Suisse a pris le penchant des bilatérales. Une voie alternative que l’UDC a d’ailleurs acceptée il y a quelques années mais, depuis le 9 février 2014 et la votation « contre l’immigration de masse » la voie bilatérale se retrouve fortement compromise. L’opposition tanne que la solution à l’impasse ne peut se trouver si l’UDC ne collabore pas. De votre côté, est-ce que l’idée d’une collaboration avec les partis pro-européens est imaginable ?
Non je crois que l’initiative a été acceptée et aucun au sein de l’UDC n’imagine revenir sur cette décision. Le peuple et les cantons se sont prononcés et la victoire est certes étroite mais voilà, c’est la démocratie. Maintenant, nous sommes dans une phase de concrétisation de l’initiative et les débats auront lieu aussi bien au parlement que dans le public. Si la loi d’application n’est pas assez proche de l’article constitutionnel, je pense que le peuple pourra se reprononcer soit par un référendum, soit d’une manière alternative. En tout cas, pour parler du fond du problème, je pense – et Monsieur de Watteville, le super-négociateur avec Bruxelles, semble corroborer cette vision – les deux parties (Suisse et Union Européenne) ont un intérêt fondamental à s’entendre et à trouver une solution. Et si l’on fait les proportions d’immigration en Suisse, comparées à celles des pays limitrophes, l’Allemagne aurait dû accueillir six à huit fois plus de personnes en fonction de sa taille et de sa population avec moins de problèmes d’aménagement du territoire ou moins d’infrastructures. C’est cela qu’il faut montrer à l’Union Européenne mais il n’a jamais été question de fermer complètement les frontières et d’imposer une immigration zéro. La Suisse, de tous temps, a bénéficié et choisi une certaine immigration. C’est ce vers quoi, nous souhaitons revenir.
Pensez-vous que la clause guillotine va ou peut encore être déclenchée ?
Je pense qu’il est encore prématuré de parler de tout cela. Encore une fois, je pense que les deux parties ont un intérêt fondamental à s’entendre mais il est clair que ce sont des discussions et des négociations qui doivent avoir lieu. Personnellement, je salue le fait que l’on ait centralisé la voie de la négociation en envoyant une seule personne – Jacques de Watteville qui connaît très bien le milieu européen – à Bruxelles. Mais je reste très prudent ; quand on veut négocier, il ne faut pas dévoiler toutes les cartes du premier coup, sinon nous perdons la négociation. Il y a plein d’informations qui méritent de rester confidentielles pour l’instant et il faudrait déjà savoir s’il y a une réelle volonté de la part du Conseil Fédéral de déboucher sur un accord. À lire le projet qui était en consultation, j’ai quelques doutes.
Quel regard porter sur l’initiative RASA ?
Et bien c’est la démocratie directe. Si une initiative parvient à récolter 100’000 signatures pour tenter de modifier la Constitution, elle va – et doit – suivre la procédure habituelle et au final, ce sera toujours au peuple de trancher. Mais, je doute que demander au peuple de revenir sur son vote parce qu’on infère qu’il se soit trompé, soit une piste convaincante mais cela n’empêchera pas le débat. Je vois déjà un problème de calendrier puisque notre initiative devrait prendre trois ans pour la mise en vigueur (prévue pour 2017) et que le délai de l’initiative RASA – ils doivent encore attester les signatures – n’est pas dans la cible.
Il y a une chose qui vous rapproche du PLR… c’est cette volonté de garder une économie libre, une liberté pour l’entrepreneuriat, un marché libre. Finalement, est-ce que l’on peut dire qu’une grande partie de votre campagne se fonde dans le refus du « mythe » socialiste ?
Oui. Notre pays a construit sa prospérité économique grâce à la liberté laissée à l’individu et aux entreprises. Donc nous devons éviter de les assommer avec toutes sortes de taxes, d’impôts, de réglementations. Or, il faut constater que ces dernières années, l’on a une forte tendance à centraliser, ce qui est fort mauvais pour le fédéralisme suisse. Le dernier exemple en date est celui de l’aménagement du territoire. Cela me fait doucement sourire de constater que le Canton de Vaud n’est pas satisfait du résultat obtenu ; nous avons transféré les pouvoirs du service du développement territorial vaudois à Berne et l’on voit que ce sont des gens qui appliquent avec une certaine rigidité leurs consignes. Donc notre projet est d’éviter un maximum de centralisation. Maintenant, je ne suis pas non plus libéral à un point extrême. Il y a quand même quelques tâches qu’il est bon de laisser à l’État ; les tâches régaliennes mais à chaque fois que le secteur privé peut apporter un plus à moindres coûts à la Suisse, il faut lui laisser la liberté d’entreprendre. Aujourd’hui, nous parlons beaucoup de l’argent public qu’il faudrait redistribuer – c’est le grand mot à la mode. Mais l’argent ne tombe pas du ciel et il appartient au privé – qui est récolté par les impôts – ce n’est pas de l’argent public. Donc cet argent doit permettre à l’État de réaliser les tâches qui sont les siennes. Les socialistes, sur ce sujet, veulent prendre tout l’argent possible pour le redistribuer en pratiquant le système de l’arrosoir d’ailleurs – qui est en général, le plus inefficace possible.
La crise du franc fort ne remélange-t-elle pas toutes les cartes ?
Je crois que pour l’économie de ce pays, personne – en tout cas très peu de monde – n’imaginait un jour abandonner ce taux plancher de 1,20 franc pour un euro. On y était désormais habitués et on a agit uniquement pour démontrer que l’on pouvait aisément manipuler notre monnaie sans tenir compte des marchés internationaux. Et le choc a été d’autant plus rude mais je crois que l’on doit maintenant faire avec même si ce n’est pas simple et que la situation n’est pas pour s’améliorer. On ouï aujourd’hui que, dans un ou deux ans, la Suisse encaissera sans trop de mal le choc mais je crois que les effets sur le marché du travail n’ont pas encore été intégrés globalement dans l’analyse. Les effets concrets sur le chômage et sur certaines entreprises en essoufflement vont commencer à se faire sentir d’ici à la fin de l’année. Il court donc un certain optimisme mais je resterais encore très prudent même si je ne suis pas un spécialiste de l’économie ou des marchés financiers.
Et puis, avec tout ça, la politique agricole de l’UDC passe un peu au second plan mais il faut rappeler que le parti milite fermement pour la reconnaissance des agriculteurs. Et surtout, à l’aune des crises qui éclatent notamment en France, il faut que ce métier soit rémunéré de manière convenable. En tant qu’agriculteur de profession que pensez-vous de tout cela ?
Tout à fait. Toutefois, l’UDC a sorti, pas plus tard que cette année, nous avons publié un papier de position sur nos revendications en matière de politique agricole. Mais je vous accorde qu’il a été noyé dans la masse de l’actualité. L’agriculture est un cas à part du fait que l’agriculteur est lié à son terrain et il ne peut donc pas délocaliser son « entreprise » à la recherche d’un meilleur marché. De plus, nous sommes dans un petit pays où la typographie est très difficile et l’économie extrêmement chère. L’agriculture est nécessaire au pays car contribue presque à la moitié de l’auto-provisionnement. C’est quand même une assurance en cas de crise mais je crois que l’on a aussi perdu de vue, qu’à l’aune des privatisations de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse aurait un problème en situation de conflits ou de crise alimentaire. Il faut tenir compte de cet aspect et l’agriculture doit avoir des conditions cadre un peu différentes des autres secteurs. Par contre, ce que je regrette profondément, c’est le tournant pris par la politique agricole de 2014-2017 ; le tournant d’extensification où finalement, la fonction productrice qui doit rester celle de l’agriculture est en passe d’être abandonnée au profit de la fonction de l’entretien du paysage. Cela fait beaucoup plus dépendre l’agriculture du budget de la Confédération mais beaucoup moins des marchés. La Confédération essaie de revenir à piloter et orienter l’agriculture sans soucier des questions du marché. Donc l’agriculture doit toujours avoir une certaine protection à la frontière sinon elle meurt, c’est clair. Je ne crois pas que le salut ne soit uniquement dans l’agrandissement de l’exploitation. On a déjà vu ça dans d’autres pays, ce ne sont pas les toutes grandes exploitations qui arrivent nécessairement à mieux s’en sortir. Simplement, il faut que l’on se rende compte que si l’on veut conserver une agriculture dynamique en Suisse, nous devons lui permettre de produire non pas des excédents mais au moins ce dont on a besoin et lui octroyer une certaine marge de manœuvre. Il faut savoir que la moitié du prix des légumes de proximité en Suisse constitue le salaire des agriculteurs. Après, il s’agit d’une décision politique ; si l’on veut dépendre totalement des marchés mondiaux avec tous les risques que cela comporte en cas de fermeture des frontières est une décision strictement politique. En 2007-2008, l’Inde était garant de fournir à la Suisse toute la production agricole souhaitée et incitait notre pays à stopper sa propre agriculture. Moins d’une année plus tard, l’Inde fermait ses frontières et interdisait l’exportation de denrées alimentaires parce qu’ils n’avaient même plus assez pour leur propre population. Tout cela montre les dangers de dépendre trop de l’étranger. Maintenant, cela ne veut encore pas dire qu’on ferme les frontières et que l’on produise en autarcie chez nous. Il doit y avoir aussi une certaine concurrence ; ça c’est clair !