Mina Tindle, au croisement de France Gall et Cat Power

La chanteuse Mina Tindle lors du 40e Paléo Festival Nyon. © Oreste Di Cristino

Charmante et populaire, Mina Tindle a fait une apparition remarquée au Paléo Festival cette année. Pour la 40e édition, la chanteuse française est venue présenter son nouvel album « Parades », sorti en 2014. Au croisement de France Gall et Cat Power – ses deux plus grandes inspirations féminines – Mina a bénéficié d’un héritage intéressant. Rencontre.

Mina Tindle est d’apparence douce, fragile, sensible et pourtant sur scène, sa voix est envoûtante, galvanise le public du Détour, sa personnalité d’artiste confirmée et indubitable attire l’œil hagard des festivaliers qui entament leur promenade à proximité, bref, sa présence sur scène, loin des écoute-s’il-pleut, ne manque pas d’attrait. Toujours est-il que Mina aurait pu ne jamais charmer ses fans si le sort ne lui avait pas valu le courage de se produire en première partie de Daniel Darc aux Eurockéennes de Belfort. Cela ressemble de manière assez typique à un coup monté, un cadeau bienveillant ou tout simplement à un coup forcé ; un début de carrière non planifié mais tonitruant. Lors d’une table ronde en notre compagnie, la Française est revenue sur ce premier chapitre de sa carrière: « J’étais étudiante et j’avais fini mes études (ndlr, des études littéraires et de communication politique). J’ai fait un stage aux Eurockéennes et personne ne savait que je faisais de la musique et que j’avais écrit trois chansons. Mais, après coup, quand les organisateurs s’en sont aperçus grâce à un ami, ils m’ont effectivement proposé de faire la réédition du Festival d’hiver, GéNéRIQ ». À cet instant, Mina n’avait ni groupe, ni assez de chansons pour se produire sur scène. Lui est valu alors la bravoure d’intégrer à son répertoire de nouvelles musiques et de se lancer, confiante, sur les planches de la scène franc-comtoise.

Auteur-compositrice-interprète bilingue

Cette autodidacte de la musique avait alors fait ses premiers pas dans un monde totalement exentré de la littérature et de la politique. Une plume inspirée et une oreille musicale développée, Mina Tindle sort un premier EP (Extended Play), To Carry Small Things en 2011 en collaboration avec Jean-Philippe Nataf. Dans ce disque, Mina Tindle, de son vrai nom Pauline de Lassus, dévoile ses talents croisés d’auteur et de compositeur. Mais comment lui vient l’inspiration et quel est le secret de ses créations ? « Chez moi, tout commence par la musique. Je n’écris jamais un texte sans entendre la mélodie avant. De la mélodie, aspect un peu mystique, en découle la langue des paroles. J’écris en anglais et en français et je ne sais jamais avant laquelle des deux langues va s’apposer sur mon texte. J’aime bien garder une part de mystère dans l’écriture ». Un héritage anglophone, notamment celui de Cat Power, l’a d’ailleurs poussée dès ses débuts à garder la langue anglaise dans ses écrits : « L’anglais est surtout le fruit d’un héritage d’adolescent. Non seulement Cat Power mais également tous les groupes que j’écoutais à partir de mes 15 ans, en majeure partie anglo-saxons ; des Beatles à Cat Power en passant par Bob Dylan ».

Bien qu’elle ait longtemps été influencée par ses amours d’enfants, France Gall ou encore J.-P. Nataf des Innocents (qui a collaboré pour son premier disque), ce n’est que très récemment que la jeune artiste a redécouvert la pop française des années 70 : « J’étais un peu passée à côté et je ne connaissais pas très bien ce répertoire car ce n’était pas mon époque. Quand on parle de funk ou de pop, on ne pense pas vraiment à la France parce que ce ne sont pas des catégories très francophones. Par exemple, faire de la pop en français c’est plus difficile qu’en anglais car on ne peut pas se “permettre” en français de répéter six fois le même couplet. En revanche, en anglais, on peut le faire sans que cela apparaisse comme étant redondant ». La langue devient ainsi un outil de travail, tel un peintre hésitant sur l’utilisation méthodique de l’aquarelle ou de la gouache, d’un pinceau ou d’un crayon. Toutefois, si l’anglais n’est pas la langue maternelle de Mina, celui-ci reste l’outil de prédilection d’une chanteuse ambitieuse et créatrice : « On peut, en tant que française, oser des images en anglais qu’un anglophone ne ferait pas », conclut-elle sur le sujet.

Des éminentes collaborations et des « Parades ».

Craig Silvey, Portishead et bien d’autres artistes ont eu le plaisir de collaborer avec Mina Tindle tout au long de sa jeune carrière. Face à ces grands noms, nul doute que la Française ait réellement acquis une grande expérience dans son art : « Craig est venu mixer mon disque que j’avais fait avec Yann Arnaud en France. À l’époque, on cherchait un mixeur et il me prenait de rêver à des artistes comme Craig Silvey, entre autres de mes idoles que j’aurais bien voulu engager. On a tenté de le convaincre sans grandes espérances et finalement il a accepté. Comme toujours, une fois la collaboration réalisée, tu te rends compte que tout reste faisable. Ça a été super et rapide. On a fait huit titres en neuf jours et le reste a été mixé à Paris avec Yann Arnaud ».

En 2014, sort ainsi son dernier album « Parades ». Dans son entreprise d’aristocratiser la pop française, comme le titrait Les Inrocks, Mina Tindle s’en tient aux fondamentaux : la simplicité et l’émotion. Mais alors quelle est la nature de ce nouvel album ? Parades nuptiales, parades amoureuses, parades circassiennes ou est-ce tout simplement un subterfuge ? Peut-être un mix de tout : « Je cherchais le nom parfait. En général, c’est une évidence mais de mon côté, j’ai failli ne pas le nommer et en faire un album éponyme (ndlr, qui porte le titre de l’auteur). Puis, j’ai lu un poète que j’adore, Henri Michaux, et il avait l’habitude de mettre des mots en exergue. Et dans une de ses maximes, j’ai vu le mot « parade » et ça m’a plu. Il y a le côté “défilé fier, le torse bombé”, l’idée exacte de la “parade nuptiale” car il y a quand même beaucoup de chansons d’amour ayant attrait à la séduction et enfin, c’est la parade pour parer les coups et cela renvoie également à mon rapport avec la musique, donc c’était le titre parfait ». Présenté, au Paléo, ce nouvel album a fait l’unanimité aux abords de la scène du Détour et Mina Tindle peut désormais mettre le cap sur l’Allemagne, où elle commencera un petit Tour germanophone dès le 31 juillet prochain.