Athletissima, une 40e édition féérique

Le Meeting Athletissima de Lausanne fêtait ses 40 bougies. Montage Photo: Oreste Di Cristino

Pour sa 40e édition, le meeting Athletissima de Lausanne a honoré son statut de troisième plus grand rendez-vous mondial de l’IAAF Diamond League. Honoré de la présence du prince Albert de Monaco, le Stade de la Pontaise a, une nouvelle fois, été le théâtre de grands exploits sportifs. De plus, riche en émotions et en couleurs, le final pyrotechnique a, comme à l’accoutumée, enflammé la pelouse et assuré un spectacle homérique. Entre records, performances mondiales et satisfactions personnelles, l’événement a brillé pour son quarantième anniversaire.

Les éclats de brillance d’Athletissima vont de pair avec les fulgurantes performances des nombreux athlètes qui ont foulé le terrain (ou la piste bétonnée) de la Pontaise ce jeudi soir. Au lancer du poids, l’Allemand David Storl détrône le record du stade tenu par l’Américain Ryan Whiting (2013) en performant un lancer à 22,20 mètres. Au lancer du javelot, le Trinidadien Keshorn Walcott bat le record du stade en envoyant son projectile à plus de 90 mètres (90,16), dépassant par la même occasion le record national de la Trinité et Tobago. Nouveau record du meeting également battu au 3000 mètres steeple dames ; la Kenyane Virginia Nyambura parvient à parcourir les trois kilomètres en 9 minutes 16 et 99 centièmes. Elle fait mieux que l’Éthiopienne Hiwot Ayalew qui avait bloqué son compteur à 9:17.66 en 2013. Deux autres records tombent à Lausanne : en saut en hauteur dames et en triple saut masculin (voir plus bas). Autre moment phare de la soirée ; Justin Gatlin remporte le 100 mètres devant Asafa Powell et Tyson Gay. L’américain parvient à conclure le sprint en 9.75 secondes, soit à un centième de la meilleure performance mondiale de la saison qu’il détient (9.74 au meeting de Doha).

Pablo Pichardo et Sandra Perkovic’ en sursis

La première épreuve du Meeting – le lancer du disque féminin – était sous les feux de la rampe ce soir à Lausanne. La championne olympique (2012 à Londres), d’Europe (Helsinki 2012 et Zürich 2014) et du Monde (Moscou 2013), Sandra Perkovic’ concourait pour une cinquième victoire en meeting de l’IAAF Diamond League 2015. Ayant d’ores et déjà gagné les quatre dernières rencontres (Doha, Rome, Birmingham et New-York), la Croate n’est plus qu’à une victoire du trophée final. Cependant, elle a eu forte affaire au Stade de la Pontaise, défiée sur le podium par la cubaine Yaimí Peréz. La jeune championne du monde junior 2010 a fait une apparition remarquée en début de journée en parvenant à battre son record personnel à trois reprises ce jeudi soir. Elle détrône pour la première fois de la saison en meeting l’impressionnante Sandra Perkovic’ qui ne saisit que la seconde position à Lausanne. Toutefois, avec une confortable avance de 11 points sur sa dauphine Peréz, Perkovic’ ne semble plus en mesure d’échapper au trophée final.

La situation est plus compliquée pour Pedro Pablo Pichardo. Vantant une avance six points au classement du triple saut sur Christian Taylor avant le meeting de Lausanne, le Cubain s’est fait surprendre ce jeudi soir dans une lutte effrénée et spectaculaire. Pensant tenir sa victoire suite à son excellent troisième essai à 17,99 mètres, Pichardo s’est rapidement vu dépassé par l’élan et l’élégance de Christian Taylor qui rafle la mise en signant la quatrième performance mondiale de l’année (18,06). L’Américain bat en conséquence son propre record personnel (18,04) et égalise le record de la Diamond League que détient Pichardo depuis Doha (2015). C’est également le record du meeting lausannois. Par ailleurs, le classement de la Diamond League est complètement relancé ; Pichardo (14 points) n’a plus qu’une infime avance sur son dauphin étasunien (10 points).

Toutefois, malgré ce revers, le Cubain parvient à garder une bonne régularité dans ses résultats et celle-ci se reflète dans sa motivation, comme il a pu l’expliquer en conférence de presse la veille : « La régularité s’explique par le travail accompli, nous avons beaucoup travaillé et cela explique le résultat. Tout cela me motive à accomplir mes objectifs pour le reste de la saison, à savoir stabiliser mes résultats, gagner des championnats à la fin de la saison et, à long terme, battre le record du monde (ndlr, 18,29 mètres, détenu par Jonathan Edwards depuis 1995) ». Pour se faire, Pichardo compte bien, en amont, garder de la régularité également dans sa technique de saut : « Au jour d’aujourd’hui, je ne pense pas au record du monde. Mais avec un grand travail, pourquoi pas. Il est possible que j’améliore encore ma technique bien qu’elle n’ait pas subi de gros changements récemment. Je suis un sauteur de vitesse alors que les autres misent plus sur la puissance. Mais la vitesse est une technique qui me convient très bien ».

Chicherova persévérante

Malgré l’abandon de la Croate Blanca Vlasic’, l’épreuve du saut en hauteur féminin restait passablement ouverte. La start list laissait entrevoir un combat acharné entre les différentes athlètes. Parmi celles-ci, la double championne d’Europe Ruth Beitia – qui domine le classement des meetings (8 points) – la championne du monde Svetlana Shkolina ou encore la médaillée d’or olympique de Londres en 2012 et championne du monde 2011 à Daegu, Anna Chicherova. La Russe – détentrice par ailleurs du record de la Diamond League (2,05 mètres au meeting de Bruxelles en 2011) – a longtemps attendu et contenu une patience redoutable avant de voir se profiler à l’horizon un résultat épatant. N’ayant buté qu’à une seule reprise au mètre 94, elle profite des éliminations « prématurées » de sa compatriote Shkolina et de l’Espagnole Beitia à 1,97 mètre et s’envole directement sur la barre des deux mètres qu’elle passe sans grande difficulté. Elle conclura sa sixième tentative en parvenant à passer outre les 2,03 mètres, la meilleure performance mondiale de l’année 2015. Au classement, Chicherova parvient à glaner la troisième marche du podium provisoire grâce aux quatre points conquis lors de sa victoire à Athletissima ce jeudi soir.

Stratégie inopérante pour Renaud Lavillenie

Après une contre-performance à Paris, le recordman du monde de saut à la perche Renaud Lavillenie se devait de réagir. À Lausanne, son objectif était clair et concis : remporter les quatre points de la victoire. Mercredi après-midi, en conférence de presse, le Français a pesé ses mots sur son revers passé : « Je sais que je peux manquer une performance et cela arrive à tout le monde. Je ne suis pas imbattable, ça fait partie du sport. C’est pas un échec qui va remettre en cause toute la préparation. Mon mauvais résultat à Paris ne change pas mes objectifs pour le reste de la saison » avant d’ajouter : « Je suis très confiant et le saut à la perche, ce n’est jamais gagné à l’avance. Donc ce n’est pas parce qu’on va perdre une fois, qu’on va avoir un revers d’énergie. Heureusement, ce ne sont pas les même personnes qui gagnent à chaque fois. À Lausanne, je concours principalement pour les quatre points de la victoire. Mais, bien entendu, je ferai tout pour me rapprocher du record du meeting (ndlr, 5,91 mètres) ». Au vue des résultats et de la stratégie adoptée, difficile de croire que Lavillenie ait privilégié les points du classement au record de Brad Walker de 2007. L’inverse serait, au contraire, davantage envisagé.

Dès le début de l’épreuve, les barres placées à 5,46 et 5,61 mètres donnent du fil à retordre aux athlètes engagés dans la course. Si le double champion des États-Unis (2014 et 2015) Sam Kendricks passe la hauteur sans bémol, il n’en est pas de même pour le Grec et leader du classement Kostandinos Filippidis – qui bute deux fois sur la barre des 5,61 avant de passer l’épaule – ni pour le champion du monde en titre Raphael Holdzeppe qui manque sa première tentative également. Les deux seront finalement éliminés aux 5,84 mètres. Une hauteur à laquelle Renaud Lavillenie a fait l’impasse après avoir passé non sans difficulté la hauteur des 5,76 mètres. Cette stratégie était risquée mais lucide. Le Français souhaitait directement sauter les 5,92 mètres, synonyme de record du stade et faire ainsi coup double: remporter le meeting et battre le record de Walker. Mais la tâche était ardue et peu commode. En effet, Lavillenie se retrouve en duel face au Polonais Pawel Wojciechowski, vice-champion d’Europe 2014 à Zürich et champion du monde 2011 à Daegu. Le duel était alléchant. Les deux athlètes « finalistes » de l’épreuve allaient concourir pour le prestige convoité du record. Malheureusement pour eux, la barre des 5,92 mètres ne résiste pas et Lavillenie (troisième) cède en conséquence la première place à Wojciechowski qui avait précédemment passé la hauteur des 5,84 mètres, son record personnel de la saison. Au classement, le Polonais réalise une excellente affaire en s’emparant de la troisième marche du podium provisoire avec 4 points ; Filippidis deuxième (8 points) et Lavillenie conserve le lead avec 9 unités au compteur malgré des conditions peu alléchantes à Lausanne : « Les conditions n’étaient pas bonnes ce soir. Tous mes sauts étaient face à un vent contraire et donc je n’étais pas dans les meilleures circonstances pour faire une bonne performance – dit-il en zone mixte avant de conclure – je ne ressens aucune pression. Je me sens mieux qu’à Paris et j’espère qu’au prochain meeting (ndlr, Monaco) je retrouverai les bonnes conditions pour aller au-delà des 6 mètres à nouveau. En travaillant dur, les résultats arriveront« .