Le Saint pape Jean-Paul II est décédé il y a dix ans jour pour jour, le 2 avril 2005. Retour sur un faiseur d’Histoire et la figure d’un homme hors du commun.
Sur la Place St-Pierre, une foule immense prie, à genoux, les mains jointes ou encore les yeux fermés. Une profonde et commune prière monte à Dieu, lui recommandant la santé du très aimé Saint-Père. Un pape qui, en qualité de successeur de Pierre, a guidé l’Église catholique pendant plus de 26 ans. Un pape qui pour la plupart était donc bien plus, un « papa ». Depuis plusieurs jours déjà, les médias du monde entier faisaient état de la détérioration de la santé du pape « appelé depuis un pays lointain ». Refusant l’hospitalisation, il recevait l’Extrême Onction le 31 mars. Le 1er avril il célébrait sa dernière messe, perdait connaissance quelques heures plus tard et, dans la soirée, l’appel est à la prière. Les fidèles prient donc inlassablement. D’un bout à l’autre de la Terre, la communauté catholique se groupe au sein des villages, des villes, des métropoles et des nations entières pour se joindre à cette prière, à cette dernière réunion. Enfin, dans la soirée du samedi 2 avril, aux alentours de 22h00, Mgr. Leonardo Sandri, un proche de Jean-Paul II, interrompt le Rosaire pour la déclaration tant redoutée. Les visages se figent, le silence tombe. Seuls les cierges et les couronnes se balancent encore dans l’air. Les caméras du monde entier et les fidèles sont suspendus à sa bouche. Il déclare: « Très chers frères et sœurs, à 21h37, notre très aimé Saint Père Jean-Paul II est retourné à la Maison du Père. Nous prions pour lui« . La Place St-Pierre reste figée, sourde. Un Salve Regina est lancé, les cloches de la basilique de St-Pierre retentissent, en même temps qu’un long applaudissement. Certains n’ont pas quitté des yeux cette fenêtre allumée au 3ème étage du palais apostolique. Les prélats invitent à maintenir le silence « afin d’accompagner le pape dans ses premiers pas vers le Ciel ». La prière reprend.
« Plus jamais la guerre! »
Nombreuses sont les personnes qui aujourd’hui, à dix ans de distance, se souviennent encore de ce qu’elles faisaient, où et quand, au moment d’apprendre la nouvelle de la mort de Jean-Paul II. C’est la marque indélébile d’un de ces événement qui se révèlent directement à tous comme appartenant déjà à l’Histoire. Car Jean-Paul II a fait l’Histoire. Il l’a forgé, l’a écrite de sa propre main. Il en fut un grand protagoniste pendant ce mouvementé XXe siècle. Siècle marqué par la guerre, les génocides, les dictatures, les armes de destructions de masses, la guerre froide, le communisme… par une sensible perte d’humanité et une paix insaisissable. Élu le 16 octobre 1978, le cardinal de Cracovie devient le premier pape non-italien après plus de 450 ans, succédant au pontificat-éclair de Jean-Paul Ier (33 jours), « pape du sourire ». Karol Jozef Wojtyla se présente donc comme le pasteur d’une Église en crise, de vocations sacerdotales à la baisse, d’un catholicisme en perte de vitesse. Il prend la barre de Pierre au sein d’un monde à la dérive, fracturé, en proie à la globalisation, aux peuples divisés et aux conflits idéologiques persistants. Il aura pourtant raison de ces derniers fléaux de l’humanité en signant de sa personne la fin du communisme, le démantèlement de l’empire soviétique et la chute du Mur de Berlin. Mikhaïl Gorbatchev affirmera à ce propos : «Tout ce qui s’est passé en Europe orientale au cours de ces dernières années n’aurait pas été possible sans la présence de ce pape, sans le grand rôle, également politique, qu’il a su tenir sur la scène mondiale».
Un pape unificateur
Difficilement définissable, il se présente comme un pape conservateur et rigide sur la morale sexuelle; acharné combattant de ce qu’il nomme la « culture de la mort » (avortement, euthanasie, peine de mort, manipulation de la vie, etc…) à laquelle il propose la culture de la vie. Mais il est resté un progressiste incontestable vis-à-vis du dialogue interreligieux et autres imprévues ouvertures de l’Église, notamment sur le rôle et la dignité de la femme. Il s’annonce comme un non-politique, mais son engagement et sa lutte contre l’idéologie marxiste qui sévit par la répression soviétique dans les pays de l’Est font de lui un véritable adversaire idéologique. Il sera victime, le 13 mai 1981, à la fin de l’audience générale sur la place St-Pierre, d’une tentative d’assassinat, atteint par trois coups de feu au niveau de l’abdomen. L’Union soviétique en serait coupable. Transporté et opéré d’urgence il sera rétabli et se rendra deux ans plus tard dans la prison où était renfermé son agresseur, pour lui pardonner le geste.
Tout au long de son pontificat (le deuxième le plus long de l’histoire de l’Église), afin de mener à bien ses combats, assurer le dialogue interreligieux (notamment avec les juifs), pacifier les régions en crise et rapprocher l’Église des populations les plus éloignées, Jean-Paul II se fait connaître pour ses nombreux voyages aux quatre coins du monde, de continent en continent, de nation en nation. Il parcourra ainsi 129 pays, attirant les foules au nombre total d’un demi-milliard de personnes. Du jamais vu. Il manquera seulement de réaliser deux de ses souhaits les plus chers; ceux d’un voyage en Chine et en Russie.
Il cria contre les excès du capitalisme et à prêta grande attention aux problème écologiques. Il cria contre toute guerre et appuya la Déclaration des Droits de l’Homme. Il éleva durement sa voix, au nom de l’Église, contre toute mafia, à la suite des attentats visant les juges Falcone et Borsellino. Il implora à plusieurs reprises, dans un geste d’humilité et de pénitence, le pardon pour les fautes commises par l’Église dans son histoire. Il renoua avec l’Église orthodoxe et autres courants chrétiens. Il rétablit de bons rapports avec le peuple juif et se rapprocha par le dialogue au monde musulman. Bref, il fit le ménage dans l’Église comme dans le monde entier.
Le pape des jeunes
Il sera également connu comme le « pape des jeunes ». Le Saint-Père maintenait et mûrissait en effet un contact privilégié et de quasi-complicité avec cette tranche d’âge. Adulé et aimé par des foules des jeunes, il était le grand-père de tous ces « papaboys ». Jean-Paul II institue alors les « Journées Mondiales de la Jeunesse » (JMJ) qui se déroulent en divers lieux tous les deux ans depuis 1985 et rassemblant à chaque édition des jeunes toujours plus nombreux, affluant par millions (les prochaines JMJ se dérouleront en 2016, à Cracovie, en Pologne). Ses derniers mots avant de partir auront d’ailleurs été pour ces jeunes, qu’il aimait tant et qui l’aimaient tant. « Je suis venu vous chercher. Vous êtes venus. Je vous remercie« . Un dernier « amen », puis le soupir.