La Coupe du Monde a pris fin dimanche avec le sacre (presque) attendu de la Mannschaft ! Si la magie du ballon rond dans le pays du football a offert aux fans du monde entier un spectacle riche en émotions, elle s’est néanmoins transformée en une overdose mondiale à laquelle les vacances estivales en offriront le remède. Game Over !

Le soleil se couche sur Rio de Janeiro. Du haut du Corcovado, le Christ Rédempteur voit la large boule rouge flambant de joie et de chaleur disparaître à l’horizon brésilien emportant avec elle l’image de la Brazuca aux pointes de couture dorées — la même qui, ce dimanche 13 juillet, aiguillonnée par la pointe du pied de Mario Götze, offrit un but, une précieuse et inoubliable victoire et sa quatrième étoile à l’Allemagne. Ce nouveau sacre, 24 années après, est venu couronner une longue préparation mentale et technique, laquelle, ayant duré pas moins d’une dizaine d’années, a laissé saliver tout un peuple dans l’attente d’un couronnement qui se voulait imminent. François de la Rochefoucauld disait: « Le monde récompense plus souvent les apparences du mérite que le mérite même. » Et bien aujourd’hui, le football est en bonne mesure de récuser les néanmoins très belles paroles de la Rochefoucauld. Accumulant logiquement les apparences du mérite et le mérite même, la Mannschaft s’est très justement offert le scalp d’une Argentine qui, sous le signe d’une malédiction, a vu passer une énième Finale sous le spectre de la défaite.
Mais le Mondial ne s’arrête pas seulement au bonheur allemand. Il passe aussi par le dépit brésilien qui, humilié sans peine en demi-finale (1-7 face à l’Allemagne), a vu tout un peuple pleurer de désespoir. Évidemment, il n’était alors plus question de donner écho aux nombreuses maximes corruptibles qui laissaient planer le doute sur une Coupe du Monde « achetée » par le Brésil. Ne terminant pas le mondial sur son podium, les passionnés de foot brésiliens — et Dieu sait qu’ils sont nombreux là-bas! — ont versé de nombreuses larmes accompagnées de sifflements desquelles vibrations ont très certainement dépassé le nombre de décibels que puissent émettre 100’000 diabolica endiablées dans un stade diabolique qu’est l’Estadio Mineirão de Belo Horizonte. C’est ainsi qu’après le Maracanaço (tabou de la finale de 1950 perdue par la Seleçao face aux Uruguayens au… Maracaña), les Brésiliens devront désormais compter avec le Mineiraço — histoire de pouvoir, un jour, conjurer ce triste souvenir d’une demi-finale dominée de bout en bout par des allemands en transe. Mais n’en déplaise à pochtron Blatter ou même à la Présidente Dilma Rousseff, le parcours de la Seleçao ne sera pas à même de colmater les 24 milliards de réals brésiliens (9,7 milliards de francs suisses) qui ont servi au financement et à la préparation de cette Coupe du Monde. Ce qui, avouez-le, était impossible ! Si bien même le Brésil avait remporté « son » Mondial, la ferveur nationaliste qui en aurait résulté n’aurait, de toute évidence, fait qu’accentuer le leurre de l’image d’un Brésil réunifié malgré la super-inflation qui a jailli à cause des coûts exorbitants qui ont figuré sur la facture — tant économique que morale — que le « pays du foot » a dû régler. Car, au-delà des préjudices financiers, cette Coupe du Monde a également causé un énorme tort d’ordre logique. La normalité voudrait, en amont, que l’organisation d’un évènement, d’envergure mondiale soit-elle, respecte le budget interne d’une Nation et non le faire exploser comme le veut la tradition du business dont le boss de la FIFA en a institué les règles dans un magma normatif liant la corruption au monde si naïf du sport. C’est ainsi qu’en esquivant cette dite normalité, la République Fédérative du Brésil a opté pour un « ratiboisement » total d’une partie de la forêt amazonienne et de quelques habitations pour y construire un stade qui, paradoxalement, ne servira que très rarement, voire jamais. Compréhensible donc la réaction logique de milliers de Brésiliens élevant leur voix et leurs sifflets vocaux lorsque la bouille crispée de papy Sepp apparaît sur les écrans géants. Quelle honte ! Et dire que le Qatar c’est en 2022 !
Mais il serait triste de conclure ce Mondial sur le triste et peu présentable personnage qu’est celui qui se représentera éternellement à la tête de la FIFA sans connaître d’adversaires. Si nous voulions trouver meilleur résumé de cette Coupe du Monde au Brésil, on peut la synthétiser en trois substantifs: volupté, surprise et vertu ! Volupté pour retranscrire cette jouissance intellectuelle d’un public qui, par un élan — même plusieurs ! — de créativité et d’inventivité, se sont présentés aux stades avec des déguisement dignes d’une esquisse d’un Yves Saint Laurent de l’exotisme ou encore d’un Louis Vuitton de l’extravagance. Couvres-chef multi-colores, maquillages ingénieux et diabolica déchaînées, les tifosi de toutes nations, en pleurs ou en extase, ont alimenté la superbe des stades brésiliens tout au long de ce Mondial palpitant et riche en surprises. De la déroute de la tenante du titre espagnole à la goleada deutsche Qualität de la première demi-finale, en passant par la surprise costaricaine ou encore par la déception portugaise ou italienne, cette compétition, suivie par pas moins d’un milliard de téléspectateurs intéressés, a sans doute marqué les esprits des sympathisants d’un football propre et prospère. Un football qui croit également en la vertu de la mixité et de la sportivité car, en dépit de la dualité entre équipes nationales, celle entre peuples a le bénéfice de disparaître (au moins) le temps d’un Mondial. Ce qui ne va cependant pas à l’encontre de l’adage de Gary Lineker, ancien avant-centre britannique des années 1980, qui avouait: « Le football se joue onze contre onze, mais à la fin c’est toujours l’Allemagne qui gagne » ! Si cette phrase peut paraître équivoque pour beaucoup de sceptiques, elle pourra au moins constituer une belle didascalie à cette très envoûtante Coupe du Monde qui — sans faire de clin d’œil à un illuminé détraqué — peut trouver en synthèse cette vieille maxime hitlérienne: « Deutschland über alles! »