Kevin Razy : « Il n’y a que le travail qui peut te permettre de réussir dans ce métier »

Chroniqueur sur le web et sur nos petits écrans, Kevin Razy, dont le talent n’est depuis longtemps plus discutable, a fait escale au Lido Comedy & Club de Lausanne, où il a présenté son deuxième spectacle âgé de 4 ans: “Ça va mousser”. Une occasion pour revenir avec lui sur ses débuts et sa passion pour l’humour (et le reste). Rencontre.

4976-bwef-on-a-rencontre-kevin-razi-570x0-1
Photo: villaschweppes.com

Bonsoir Kevin, ravi et impressionné de t’avoir devant moi. Je t’ai connu à la télévision dans “On n’demande qu’à en rire”, sur le web dans “Studio Bagel”… Premièrement, comment te sens-tu après cette première soirée au Lido ?

Et bien, je suis heureux et fatigué parce que le public a vraiment été fou. Il y a eu une grosse ambiance et ça t’oblige à te donner. Donc là, je suis rincé mais heureux et je pense que je vais très bien dormir.

Tu as fait un spectacle fondamentalement basé sur la dénonciation de la société en traitant les thèmes de racisme et d’homosexualité mais aussi sur un plan plus politique et international; celui des conflits d’intérêt dans le monde. La scène du “Monopoly” y fait d’ailleurs référence.

Oui. Mon spectacle pourrait être découpé en deux actes. Le premier est issu d’une petite improvisation dans laquelle je me présente et où je fais une petite mise à jour de ma personnalité parce que, comme tu l’as dit, les gens peuvent me connaître de différentes manières (Ondar, Studio Bagel, ou même sur scène…). Et dans la deuxième partie, ça m’importe beaucoup de faire de l’humour avec du fond et de ne pas raconter que des histoires un peu bateau. Donc, oui, je suis dans la dénonciation dans ma deuxième partie de spectacle. Je ne veux pas non plus être moralisateur mais, voilà, je dis ce que je pense et c’est important pour moi que les gens sortent du spectacle en retenant un minimum de ce que j’ai raconté. Tu as cité l’exemple du monopoly et c’est bien. Si j’avais raconté des vannes sans fond tout le long du spectacle, t’aurais pas pu ressortir le pourquoi du comment de mon intervention sur scène.

C’est important de faire parler le public sur ce sujet ?

Oui, mais je ne l’ai pas trop fait intervenir sur cette partie-là. Mais c’est vrai que mon one man show prend une autre portée si les gens, le soir en rentrant chez eux, réfléchissent sur mes propos — comme par exemple: on pense être libre, mais notre liberté est déterminée par différents facteurs liés à notre enfance, notre éducation ect… — Je pense qu’il faut avoir conscience que nos goûts, nos choix sont souvent déterminés et qu’il ne faut pas gober tout ce qu’on nous balance. Je ne dis pas qu’il faut devenir des révolutionnaires ni renverser les choses, puisque c’est pas possible… Mais au moins de le savoir, c’est déjà une forme de liberté.

Comment s’intitule ton premier spectacle déjà (janvier 2008) ?

“The little diarrhée of Kevin” (rires). J’en parlais il n’y a pas longtemps. Ce sont les premiers spectacles et on ne sait pas pourquoi on prend des titres de m**** comme ça (rires). C’est le cas de le dire ! Voilà, je voulais juste me démarquer, quoi.

Tu étais venu au Lido le présenter ?

Non, pas celui-ci. Je suis venu au Lido un peu plus tard, il y a environ un an et demi et j’avais présenté la première version du spectacle que j’ai présenté aujourd’hui. Celle-là [la représentation de ce vendredi 16 mai 2014], ça doit être la version 2.0 ou 3.1 bêta (sourire). Donc non, pour revenir à mon premier one man show au titre exceptionnel, je n’ai pas eu l’occasion de le présenter au Lido.

Considère-tu donc — à l’aune des paroles d’Anthony Joubert — que tes spectacles soient toujours en cours de révision et, qu’au final, ils ne sont jamais aboutis ?

Je crois bien que c’est ça. J’en parlais avec mon metteur en scène (Luc Sansoni) qui s’occupe aussi des Lascars gays qui ont rodé leur spectacle pendant quatre ans et ont fait leur DVD avec des tournées remplies et avec beaucoup de dates. Et je lui ai demandé si le spectacle était rodé à la fin et il m’a répondu que le rodage d’un spectacle n’était jamais terminé. Bon, t’arrives à un niveau, où t’es sûr de toutes tes blagues mais cela t’empêche pas d’en retrouver des nouvelles. Donc au final, t’as jamais vraiment fini.

T’as parlé des Lascars gays. Tu t’es présenté à Ondar avant ou après avoir co-écrit des sketches pour eux ?

Alors, j’ai d’abord écrit des sketches pour eux et après, seulement, j’ai intégré Ondar. Et même pendant Ondar, je continuais à écrire pour eux. Mais j’ai d’abord travaillé pour eux et ça m’a permis de voir comment ça marchait: le mécanisme, le plateau, etc… et de fil en aiguille, tu te dis qu’il est temps de se lancer et je me suis présenté.

Tu t’es d’abord fait connaître par un buzz sur le web, puis à la télévision sur l’émission de Laurent Ruquier sur France 2 avec 27 passages à succès. Cela ne t’intéresse plus la nouvelle formule de cette émission ?

Disons que j’ai la chance d’apparaître dans une (autre) émission de télévision qui est le Before du Grand Journal sur Canal +, où j’ai ma chronique à mon nom. J’y fais du stand-up avec des invités sur le plateau et je pense que cela me correspond plus. Donc du coup, je n’ai plus le temps de faire Ondar. J’y suis resté deux saison et ça a plutôt bien marché avec un prime et une place au Casino de Paris. Je pense qu’à un moment, il faut tourner la page.

C’était un rêve de devenir humoriste ?

C’était un rêve un peu inconscient qui s’est révélé aux alentours de 17 ans. Avant, j’aimais bien faire des vidéos. Je prenais ma webcam et je me filmais. J’ai même fait une sitcom avec un caméscope et en avais fait le montage avec mes potes. J’amusais vraiment à faire plein de vidéos comme ça mais vraiment de façon anodine. J’aimais bien ça parce que j’étais fan des Inconnus. Du coup, une chose en entraînant une autre, à 17 ans, en ragardant la série “H” avec Éric et Ramzy et Jamel [Debbouze], je me suis dit que c’était ça que je voulais faire. À l’époque, je cherchais ma voie entre la musique et l’humour parce que j’adore la musique et je voulais également en produire. J’ai tranché pour l’humour et fait du théâtre pour voir si c’était pour moi ou pas. Et comme l’expérience s’est bien passée, j’ai décidé de faire des scènes ouvertes et de devenir humoriste.

Te considères-tu établi, aujourd’hui, en tant qu’humoriste ?

J’ai six ans de scène dans les jambes. Je pense que là, je peux dire qu’effectivement j’ai pas mal d’expérience. Je suis loin d’être arrivé mais j’ai pas volé ma place et la faible notoriété que j’ai, a été gagnée à la sueur de mon front avec des revers et des coups durs. Donc très content de la place que j’ai réussi à glaner dans ce monde même si elle est encore petite. J’ai encore plein de choses à faire mais c’est à bout de travail que tout cela a été rendu possible. C’est comme si tu veux jouer au football. Si tu croises Benzema, tu vas pas aller lui demander si tu peux jouer, là comme ça, au Real Madrid. Tu sais que tu vas devoir bosser et passer par toutes les étapes du centre de formation et du Sport-Études avant de jouer dans des divisions très inférieures, etc… Et bien, l’humour c’est pareil ! Même si t’es un prodige, un génie de l’humour, tu vas devoir te soumettre aux même sortes d’entraînement et de formation. Gad Elmaleh ou encore Jamel Debbouze, par exemple, ont tous deux mis dix ans avant de se faire connaître. Certes, dans notre époque moderne, grâce à Internet, on peut se faire connaître plus rapidement mais c’est que le travail qui peut te permettre de réussir dans ce métier. Le travail peut même être plus important que le talent parce que ce dernier est une simple cerise sur le gâteau qui va te faire passer de bon artiste à artiste exceptionnel.