Anthony Joubert est un artiste complet. Doté d’une grande sensibilité, il fonde les bases de ses spectacles sur son propre vécu et sa verve en est récompensée par le long travail entrepris sur lui-même et sur sa vie. Rencontre avec un artiste talentueux et compatissant après son premier passage au Lido Comedy & Club de Lausanne. Émotions.
Comment vous sentez-vous, ce soir, après votre performance au Lido ?
Et bien je me sens bien. Comme c’est la première fois, je vais vous donner mon ressenti. Je me dis que je me suis pas assez renseigné sur la Suisse. Car j’aime bien me renseigner sur la ville dans laquelle je joue. Et tu vois, il y a des petits passages de pub (ndlr, il parle de certaines vannes de son spectacle qu’il pense être mal adaptée pour le public suisse) qui marchent bien en France et là, ça ne marche pas très bien parce les gens ne la voient pas et ne connaissent donc pas. Donc demain, ce sera encore mieux. Mais je suis très content parce qu’il y a un super bon public. C’est un public qui rigole, qui a envie de s’amuser et comme, moi, j’ai envie de m’amuser, je m’entends super bien avec ce public. Pour que le spectacle soit bon, il faut de toute manière qu’il y ait une osmose avec le public.
En tout cas, à Lausanne vous êtes bien lotis car les artistes français qui viennent se produire en Suisse sont majoritairement connu par le public suisse. Donc les blagues que vous auriez enlevées du sketch, car jugée mal adaptées, passent parfaitement ici…
C’est ce que l’on m’a dit. On ne parle que de ça! On me dit: « Vas-y Anto, te gênes pas! » Pour demain, il y a donc des passages que je vais enlever et rajouter quelques passages sur Hollande et les politiciens français sans forcément faire un sketch trop axé politique.
Vous parlez beaucoup de votre père. Il s’agit là, d’un passage assez difficile de votre vie sur lequel vous repassez avec beaucoup d’humour et de compassion…
Oui. Tous les passages difficiles dans ma vie ont été retranscris avec beaucoup d’humour. Et je crois, en fait, que c’est un peu comme une thérapie.
Vous faites beaucoup de stand-up. On vous voit à la télévision, où vous mélangez stand-up et comédie. Comment vous considérez-vous sur scène ? Comme adepte du stand-up ou comme comédien ?
C’est un peu un milieu des deux. Je suis un comédien qui raconte un stand-up. Je suis un comédien qui raconte une histoire. Mais l’histoire… C’est du stand-up. Donc c’est vraiment du 50-50. C’est un stand-up en histoire.
Avec musique aussi…
Avec musique, oui. J’aime la musique. J’aime le show. J’ai envie qu’il y ait de la couleur dans le spectacle. J’ai vraiment en vie de mettre les gens dans l’histoire, tout simplement.
C’est déplacé, si on vous considère également comme chanteur aujourd’hui ?
Oh! Et bien j’aime bien. Je ne me considère pas comme un chanteur mais j’adore chanter. Tellement.
Vous avez d’ailleurs fait une musique pour l’équipe de football d’Arles-Avignon…
Exactement. J’ai fait l’hymne d’Arles-Avignon. J’avais décidé de prendre du jazz manouche du sud. J’ai vraiment tout combiné pour que ça fasse vraiment du sud. J’ai mis du galoubet (ndlr, une sorte de flûte). C’est pas comme la flûte, ça n’a pas le même son mais j’ai pris tous les instruments méridionaux et un rythme sur lequel on peut taper dans les mains.
Alors, vous avez dit que votre sketch, ce soir, est en rodage. Quand est vraiment né ce spectacle ?
Alors, c’est un spectacle qui est né il y a très longtemps. Depuis plus de dix ans, je parle de mon père. J’ai beaucoup de vannes qui sont vieilles mais à chaque fois je les restaure. Plus j’avance, plus je vieillis et plus je peux écrire de choses. Et quand on me dit: « Tu ne fais pas de nouveau spectacle ? » Je réponds: « Non, je n’ai pas vécu assez de choses. » Peut-être que le jour où je vais rencontrer quelqu’un, me marier et j’aurai des enfants, je pourrai raconter plus de choses. Mais là, pour l’instant, c’est l’histoire du jeune qui monte à Paris, qui a une production et qui vit de sa passion. Avant, ce que je racontais, au départ, c’était que mon père m’avait mis dehors parce que je voulais devenir comique et ça s’est arrêté là. Là, maintenant, je raconte mon histoire quand je suis parti à Paris et que j’ai franchi le pas. Et j’ai perdu mon père. (pause) Et petit à petit, les feuilles se remplissent et le spectacle s’amène. Pour écrire un spectacle, j’ai donc besoin de vivre les choses. C’est la première fois que je dis ça et ça me fait quelque chose.
« Pour écrire un spectacle, j’ai donc besoin de vivre les choses. C’est la première fois que je dis ça et ça me fait quelque chose. »
On sent quelque chose d’authentique dans votre représentation. C’est très fort, ce que vous faites. Ce que j’aime bien chez vous, c’est que vous mélanger parfaitement bien l’humour et la passion assidue que vous portez à votre métier. Et il s’agit là d’une qualité pas donnée à tout le monde.
Mais je pense, honnêtement, que sans passion, on ne peut pas faire ce métier. Par exemple, cette semaine, j’ai travaillé 17 heures par jour. On me dit souvent que je ne dois plus en pouvoir. Oui! Je n’en peux plus mais alors qu’est-ce que je m’en plains pas ! Alors donnez-moi même une heure de plus si vous voulez. C’est pas grave. Je vis de ma passion et c’est ce que je voulais faire et j’ai l’occasion de le faire. Là, j’ai fait des caméras cachées. Je vais faire de la télé bientôt. Je fais de la télé sur France 2. Je fais des spectacles sur scène. Je fais de temps en temps des films. Mais p***** je fais ce que j’aime quoi! Et c’est pas grave si je suis fatigué mais qu’est-ce que c’est pas grave !
Tu vois je me suis levé un matin. J’ai pris le RER pour aller dans un tournage. J’étais avec un assistant. Je le regarde et je vois les gens à 7 heures du matin dans le RER comme ça, en train de faire la gueule. Et je demande: « Mais les gens ils font ça tous les matins ? ». Et il me répond et dit: « Toute leur vie! » Et c’est là que je me suis rendu compte à quel point j’avais de la chance.
Ce sont deux vies différentes. Vous l’avez dit dans votre spectacle ce soir. Les journalistes vous le répètent souvent. C’est le début de votre bonheur…!
C’est compliqué parce qu’il y a des hauts et des bas partout. Des fois, il y a des gros bas et on a envie de tout arrêter. Ce que je fais, c’est un bonheur professionnel. Je vis de ma passion. C’est un métier très difficile. C’est même le plus dur. Et des fois, on se perd dans sa vie privée sur scène. Quand je raconte que ma copine m’a quitté quand je lui ai dit que je voulais devenir humoriste, c’est vrai! Elle m’a quitté à cause de mon métier en partie car j’en devenais tellement nerveux par moment. Et je le regrette à l’heure d’aujourd’hui et je me dis souvent qu’il ne faut pas se perdre. Et ça vaut pour tout le monde, dans tous les métiers. Faut pas oublier ce qu’on est quoi. Et c’est une erreur que j’ai faite et j’espère ne plus jamais la faire.
Vous êtes de toute manière un grand artiste et c’est passé par toutes les choses que vous avez vécues. Donc vous n’avez que très peu de choses à regretter au final.
Je ne regrette pas. Mais si j’avais pu faire autrement à certains moment, je l’aurais fait. C’est pareil dans tous les métiers. Il y a des moments où l’on s’énerve, non pas parce qu’on est énervés mais parce qu’on aimerait être entendus. Et on devrait la fermer des fois et rester cool. Mais voilà, ça fait partie de la vie. On fait des erreurs et on les regrette. Mais, c’est vrai, qu’au final, ça nous permet d’avancer. C’est avec des coups de pied au cul qu’on avance. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, c’est plutôt une montagne.
Vos passages à la télé (chez Morandini sur Direct 8, à « La France a un Incroyable Talent » sur M6 et sur « On n’demande qu’à en rire » sur France 2) sont votre plus grande revanche par rapport à la vie.
Oui. Tout ça représente vraiment ma vie. « Incroyable Talent » a vraiment été le grand tournant de ma carrière. Je me souvenais qu’à l’époque, je jouais dans des petits lieux, des restaurants, etc… Et ce sont des endroits où, à un moment, les gens s’en foutent. Ils mangent et peuvent t’insulter des fois. C’est pour ça que, des fois, on me dit: « Oh, vous avez une bonne répartie. » Et je réponds: « Et bien si tu savais d’où je venais, aussi! Faut l’avoir de la répartie (rires) ». Et c’est vrai que, dès que j’ai commencé à faire de la télé, tout a changé parce qu’on te connaît. Du coup, tu commences à tourner partout. C’est ça…
Vous disiez que vous aviez une micro-notoriété. Et bien, j’aimerais vous dire que le « micro » est vraiment très élargi car, en Suisse, tout le monde vous connaît.
Ouais, mais pas encore à fond. Parce que sinon, le Lido, aujourd’hui aurait été plein. Là, j’ai fait une soirée avec 50 personnes. Je suis content bien sûr ! Les gens qui sont venus, je les aime. Vraiment! Mais si j’avais une plus grosse notoriété, je remplirais certainement un petit peu plus. Je serais monté à environ 80.
Vos sketches sont toujours écrits par Sacha Judaszko ?
Alors, non. les sketches qui passent à « ondar » sont coécrits avec Sacha. Sinon, j’écris beaucoup tout seul ou avec Éric Collado. Il y a Sacha qui met sa patte. J’ai aussi, de temps en temps la patte de Cédric Chapuis. C’est quelqu’un qui est extraordinaire pour moi et qui amène un style d’écriture inégalable. Mais c’est vrai que… le disque dur, si je peux dire, reste Éric Collado.
Vous avez repris quelques passages de ondar ce soir…
Oui, tout à fait! Et bien, je me dis que je les ai écrits et donc qu’ils restent ma propriété. Autant les prendre et les réarranger car ce qui est issu de mon travail, j’ai envie de le garder aussi.
Jeudi, vous êtes au Banane Impro Lab à l’EPFL (ndlr, École Polytechnique Fédérale de Lausanne) avec Vishal, Arnaud Cosson, Waly Dia…
Vérino et… Sacha Judaszko! Et là, tu verras la différence avec Sacha. Parce que Sacha, ce n’est pas qu’un collègue de travail. C’est vraiment un pote aussi. Je pense qu’on va vraiment rigoler parce que… je suis plus fort que Sacha (rires).